mercredi 16 janvier 2019

Tirelires



Mes tirelires dans leur habitat naturel 
(au fond, un ancien portefeuille dans lequel je conserve quelques billets d'avance)

   Pour commencer, j'aime bien le mot. Tirer quelques lires, quelques pièces anciennes ou italiennes, voilà ce que cela évoque, un nom léger, tressautant, qui fait sourire. Sans parler du gentil cochon rose qu'on imagine facilement.
    Et puis, c'est un ode aux petits efforts répétés. Une piécette ici, une autre là, vaillamment, inlassablement accumulées, vers un objectif qu'on bâtit petit bout par petit bout. Certains diraient que c'est ridiculement lent. Mais la persévérance, la beauté de construire par minuscules avancées un projet qui grandit… Du concret. 

     J'ai trois petites tirelires, à vrai dire, quatre, depuis trois jours.

     Pourquoi autant ? A chacune son objectif. Séparation des projets. J'y crois beaucoup : plus net, plus simple. De la même façon que j'ai un compte d'épargne uniquement pour déposer les cautions de nos locataires : pas de confusion possible. 

     La première est arrivée début décembre, le 1er, même. J'ai ouvert la petite enveloppe concoctée par une amie, pour notre calendrier de l'Avent à trois personnes, six mains, enfin tout dépend si on écrit de la main gauche… Bref. Sur le message : "Je commence une cagnotte". J'ai souri. Retrouvé un petit encrier que je garde parce qu'il est joli, mais n'utilise pas, faute de savoir à quoi. Glissé dedans une pièce. Ce serait une pièce par jour, au hasard. En lisant ses mots, j'ai eu l'impression que mon amie me faisait un cadeau : elle m'autorisait à m'en offrir un, moi-même. J'ai décidé que ce serait ma cagnotte-à-pashmina : vous savez, le fameux… le bleu cobalt. Si si. Finalement, je suis sûre. A 229e pièce, sachant qu'au bout d'un mois j'atteins dix euros, ce n'est pas pour demain. Pas grave. Pas pressée. Je suis en marche. Je marcherai tout doucement.


     J'avais souri en lisant son message car je connaissais la suite. Jour 6, mon enveloppe à moi : deux petites maisonnettes de papier à décorer, assembler. Deux tirelires. Une pièce chaque jour dans chacune. L'une est pour le plaisir, l'autre pour un grand projet, du genre inaccessible.
      A la fin de chaque mois, je compte le montant de la première. Je trouve quelque chose qui me ferait plaisir, quelque chose de simple, de peu coûteux (forcément…). Fin décembre, j'avais 12,63 euros. J'ai opté pour une bouteille d'eau plate, du genre de celle que Koyangi évoque dans son blog. Pouvais-je vivre sans ? bien sûr que oui. Suis-je contente de l'avoir ? Tout autant. Format pratique, étrangement, je la vide plus vite que l'ancienne, à contenance égale, parce que…eh bien… elle est bien plus rapide à sortir de mon sac.

     Oui. Je sais. C'est navrant.
     Je suis si flemmarde que le moindre obstacle entre la bouteille et moi freinait ma consommation d'eau. 
     C'est ainsi. Soyons pragmatique. Tu as un obstacle ? Tu peux le contourner ? Alors vas-tu vraiment rester planté devant à attendre qu'il s'évapore? 
      Fais le tour, bon sang.

     La deuxième tirelire, celle pour le grand projet, n'a pas vocation à être vidée, dilapidée, éliminée mois après mois. Pourtant, je l'ai vidée fin décembre.
      Mon projet à moi, c'est l'immobilier. Acheter des logements de qualité, les meubler de façon pratique et confortable, les mettre en location et gagner (une partie de) ma vie ainsi. Manifestement, ce n'est pas avec la petite monnaie au fond de mon sac à main que j'y arriverai. Encore que ? Tous les matins, glisser une pièce. A la fin du mois, totaliser. Retenir le chiffre rond (c'était quoi, 7 euros cette fois ?). L'ajouter au virement que je fais chaque mois sur mon PEL. C'est toujours ça. Je construis mon projet à doses homéopathiques. Mais il se consolide aussi dans ma tête, j'y pense, je l'envisage et j'y crois. J'investis dans ma conviction que j'y arriverai.
    Et puis quoi ? Un marathon commence bien par un mètre, puis deux, puis trois. Laissez-moi faire mes trois centimètres tranquille. Ils seront suivis d'autres. 
     J'ai écrit "FIRE" sur le côté pour l'acronyme de cette tendance, plutôt américaine : "Financial Independance, Early Retirement". Indépendance financière, Retraite Précoce; en somme. J'avais envisagé, auparavant, Plan d'Indépendance Financière, mais franchement, PIF, ça le fait moins que FEU… non ? :)

     L'idée de consacrer chaque mois un peu d'argent à son plaisir personnel et à investir m'était venu du livre Les Secrets de l'esprit millionnaire, de T. Harv Eker. Quelques bons principes à en tirer. Cela m'avait semblé le bon sens en action et la conjugaison des petites joies : profiter de la vie un peu tout de suite et savoir bâtir sur le long terme aussi.
     

     La dernière cagnotte est une petite besace de pèlerin, retraitée depuis quelques jours. Depuis des années, elle m'a servi de porte-clef au travail, se trimballant dans les étages, ligotée par des rubans retenant mes clefs, tassée dans la poche arrière de mon jean pendant les pauses. Désormais, elle reçoit un euro par jour… les bons jours. J'y reviendrai. Disons, pour faire simple, que je tente de détricoter une mauvaise habitude en la mettant en balance avec un souhait plus grand. Tout ceci est vague mais promis, plus d'explications bientôt. Car on se laisse dérober du temps d'attention, du temps de vie, et je plaide bien trop coupable. Que cela cesse ! (répéter dix fois avec un chamallow dans la bouche). 

     Quand j'étais petite, j'avais récupéré une boîte à thé en métal, percé une fente Dieu sait comment dans le couvercle, j'y avais glissé la seule pièce que j'avais à l'époque, vingt centimes, attention ! vingt centimes de francs ! (six fois moins qu'aujourd'hui). Faute d'argent à ajouter, j'avais noté sur un petit papier : "Acheter une maison". Et l'avais glissé dedans. Aujourd'hui, je me sens fidèle à la petite fille qui voulait acheter une maison. Je l'ai fait. Et le ferai encore. D'une certaine façon, mes vingt centimes sont toujours là, pleins d'espoir.

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