lundi 19 septembre 2022

Ecrire

I
     D'abord, il faut un lit.
     Certains, peut-être, font autrement. Grand bien leur fasse. Les malheureux. Comment écrire autrement que dans la douceur du tissu, la mollesse de l'oreiller, le soutien du matelas, la tiédeur de la couette ? Que peut-on écrire sur une chaise revêche ? Bien des intrigues auront sombré à cause d'un café mal dosé ou de pieds trop froids.

     Ensuite, un ordinateur. Du papier. Ou les deux. On n'écrit pas la même chose sur chaque. A la main, lenteur, réflexion, analyse, l'esprit doit s'écouler, goutte à goutte, de la main au papier. Sur écran, plus de caresse des doigts, on passe au martèlement. L'esprit domine et emmène la main où il veut. Enfin, les deux. Sauf si on parvient à écrire un roman avec la moitié gauche du clavier (c'est plus fort que Pérec et sa Disparition).

     Enfin, ou avant tout, et partout, une raison, une impulsion. Personne n'a besoin de tes mots. Tu ne sers à rien. On ne t'attend pas. Tu es inutile et vain.
     C'est le présupposé.
     Ecrire sans humilité, une autre vision de l'impossible.
     Mais écrire, pourquoi pas. Parce que. Pour dire. Pour voir. Parce que ça démange. Alors on y va, et on réfléchira après, ou pas. On sera lu, ou pas.

     J'aimerais bien être lue. Mais "ou pas" vaut mieux que rien. Alors j'écris quand même.

     Hier, à une exposition d'art, juste devant le café restaurant reconverti en galerie. Ce matin, dans la cour goudronnée, attendant la fin de l'alerte incendie, dans l'air vif de septembre. A chaque fois, le soleil dans le dos. Qui réchauffe jusqu'à l'os. Qui te fait te sentir vivant. Qui sort de la léthargie et te plonge dans un doux éveil. 
       C'est ça écrire.
       C'est du soleil dans le dos.