jeudi 24 décembre 2020

Et le silence

 On pourrait supposer, de l'extérieur, que l'absence de parole équivaut à néant des faits. Rien à raconter. Rien de spécial.


  Je n'écris plus guère ces derniers temps, ni ici, ni ailleurs. Le calme plat ?


    Ou plutôt, la tempête.


    La frénésie qui t'emporte comme une course contre la montre.

    

    Celle des fêtes d'abord. Préparer un, deux, trois calendriers de l'Avent, parce que c'est agréable, parce que tu tiens à le faire, parce que, quand on sera tous morts, ne flottera que l'âme des petits moments de chaleur partagée, alors franchement, quoi faire de mieux ?

    Les cadeaux, les repas, toutes ces douceurs-pesanteurs, toujours agréables, mais avec le souci de faire, de bien faire. Elle est végétarienne, quelle alternative cuisiner ? et les enfants n'aiment pas les huîtres, que prévoir d'autre ? Et ce cadeau, est-ce qu'il lui plairait ?

    On ajoute un défi lecture. Celui du site Popsugar, proposé chaque année, et que je fais avec une amie. Comme à chaque tentative, je la devine méthodique et organisée, listant ses lectures en fonction des intitulés. Comme à chaque tentative, je commence en freestyle, "Pff ça vaaaa, j'ai le temps, cinquante livres c'est rien, je vais lire ce qui me tente et cocher une case de temps en temps". Depuis fin octobre je lis contre la montre pour boucler le tout. Qui ne sera pas bouclé d'ailleurs, mais tenté jusqu'au bout.

    Promis, en 2021, j'essaie la version méthodique.

    En 2021. C'est-à-dire la semaine prochaine.

    Accessoirement, il y a le travail, aussi. N'en parlons pas. Les petits projets professionnels, les réunions en visio-qui-marche-pas, les réjouissances diverses parce qu'on a bien besoin de s'y amuser aussi. Dernière nos masques, sous la couche de gel hydro.

    Ce tourbillon permet de ne pas penser. Pas penser, pas souffrir ? Ou du moins se laisser porter. Jusqu'à ce que la vague te dépose de l'autre côté.

    Et puis il y a les affaires imprévues. Un dossier inattendu qui pointe son nez, nécessite d'être réglé, sous peine de conscience en péril.

    Voilà. Nous y sommes. Les dernières cases de l'Avent sont ouvertes. Noël est passé (on l'a fêté le 20, de toute façon, quelle importance ?). La famille est repartie. Le silence va se réinstaller. Et les mots émerger à nouveau, peut-être. C'est comme le fromage. Il faut parfois les laisser s'affiner (et comme le fromage, si la fournée est ratée, on récolte surtout des moisissures).

mercredi 25 novembre 2020

Sans titre (brouillon)


 Sans titre (brouillon). C'est ce qui s'affichait ici quand j'ai ouvert la page. J'avais l'intention d'écrire sur...sur quoi déjà ?

     Tant pis. Je suis comme ces reflets de soi qu'on capte dans les vitres du toit, la nuit tombée. Une vision déformée, aux couleurs étranges. Un regard posé, un oeil extérieur. Je suis en-dehors de ma vie, en apnée parce que, novembre. Enfermée dans diverses contraintes.

     Mais on apprend à jouer dans sa prison.

     J'ai fini de lire hier 3096 jours,  le témoignage de Natascha Kampusch séquestrée pendant huit ans dans un réduit minuscule. Ce n'était pas un choix de lecture délibéré : je cherchais "un livre que tu as commencé mais jamais terminé ", pour un défi lecture. Celui-ci est remonté des entrailles de ma liseuse. 

     Si elle a pu s'extraire de son cachot, qui suis-je pour me sentir enfermée ?

     J'aurai la liberté que je m'offrirai. 

      "Vous ne possédiez que les quelques centimètres cube de votre cerveau" disait Orwell dans 1984.

     Mais tout est là. 

     Précisément. 

lundi 2 novembre 2020

Sur des oeufs

            Une rentrée particulière.


            Reprendre le chemin du travail alors qu'un collègue a été assassiné, le jour des vacances, de la pire façon qui soit - décapité en pleine rue, sur dénonciation, alors qu'il était coupable d'avoir fait son travail.

            Passer le portail au pire de l'épidémie. Les chiffres sont plus mauvais aujourd'hui qu'au moment du confinement de mars, et on y va quand même.


              Devoir jongler avec les gestes barrière et le souci d'éduquer et d'instruire, quand même.


                Novembre. La nuit. L'ombre. L'humidité. La promesse du sombre.


                Lire hier des livres au fil de l'envie et tomber deux fois, dans deux ouvrages différents, sur un passage se déroulant le premier novembre. On était le premier novembre. Les signes, à nouveau.


              Et puis, cette douceur improbable. 16 degrés au petit matin.

              Ce rayon de soleil dans l'oeil en tournant le volant direction collège.

              Les élèves, toujours là, toujours partants.

              Celle qu'on ne reconnaît pas sous le masque, mais...ah non. Tout va bien. C'est une nouvelle. L'honneur est sauf.

              Le garçon qui rentre de son premier jour masqué et a troué la doublure à force de la grignoter. On le gronde. Intérieurement, on rit comme devant un poulain qui a usé son licol.

              Le petit qui déclare, très sérieux : "Ze suis là ! attends, z'enlève mon manteau, mes saussures et après ze te fais un câlin".

              Le même qui regarde l'ordinateur s'allumer et remarque : "Oh ! c'est une pomme croquée !".


               Alors, on y va. On se glisse dans novembre comme auprès d'un feu de bois.

               Car tant que mes enfants vont bien, la vie continuera.

mercredi 21 octobre 2020

My accent wall

 


        L'évidence m'est tombée dessus début octobre.
       Il devait être six heures trente du matin. J'étais descendue pour mes étirements, remontée me blottir sous la couette pour les lectures qui amorcent la journée. Quatre ou cinq pages de Proust, et le livre Wabi Sabi de Beth Kempton, sur cette notion nippone si particulière.
        Livre qu'au passage je n'ai pas aimé tant que ça. Un peu trop dense et austère à mon goût.
        Bref. Elle évoquait l'environnement et son influence sur nous, le fait que parfois regarder autour de nous, la pièce telle qu'elle est, telle qu'elle pourrait être, fait germer des changements bénéfiques à apporter. Par exemple, repeindre les murs.
        Les infos se sont télescopées dans mon esprit. Peindre les murs. Regarder autour de soi. J'ai levé les yeux de ma page, regardé la chambre, et instantanément, j'ai SU.

        Il fallait un mur vert dans cette pièce. Celui du fond, derrière l'armoire ? Mmm... ou bien...
        Mais bien sûr.
        Derrière la commode.
        Pas un pastel, pas un amande ou sauge ou vert menthe. Une couleur soutenue, vibrante, qui réhausse le bois du meuble, une VRAIE couleur.

        Je ne suis pas impulsive. 
    Vingt minutes plus tard, j'informais mon conjoint que je peindrais ce mur en vert (heureusement qu'il s'en fout un soupçon car une opposition m'aurait peu freinée). 
        Le lendemain, j'avais vérifié toutes les nuances de vert de la peinture en vente libre (sans inclure les couleurs sur mesure, faut pas pousser). Deux heures après, j'allais arpenter Bricomarché. Ce serait un Vert Jungle.
        Le samedi suivant, j'ai peint. Une couche. Pas terrible. Deux couches. Beaucoup mieux. La couleur s'est uniformisée, clarifiée. J'ai du mal à me souvenir que le mur a été blanc pendant onze ans. 

        Tout ne va pas sans heurt. J'avais collé du scotch de protection, mais pas assez large face à l'élan d'un rouleau. Il y a eu quelques débordements. J'ai résolu ça hier, en me procurant une petite dose d'essai en coloris blanc, vous savez, ces mini pots avec rouleau intégré, pour tester une teinte sur votre mur ? Et j'ai recouvert les taches d'un trait de blanc.

        Ni vu, ni connu.

        Le premier matin, en sortant de la chambre désormais verte, mes yeux se sont posés sur le palier.
        M'enfin.
        Bien sûr.
        Il FALLAIT qu'il soit jaune !
        Pas tout entier, bien sûr. Mais le mur de sous-pente. Le mur du fond en somme. Celui qui pouvait donner un peu de chaleur à cette zone tout en longueur.

        Là, telle que je vous parle, j'ai encore des traces de peinture jaune dans les plis des mains.

        Si vous voulez repeindre une pièce, appelez-moi. J'enfile un casque, écoute une émission, une vidéo pas trop visuelle. Je répands la couleur avec sérénité. Et rien de plus gratifiant AU MONDE qu'ôter tous les scotchs de protection, dès la seconde couche posée, pour découvrir le résultat final.

        Non. N'attendez pas que la deuxième couche ait séché. Les plaques de peinture se craquèleraient et gâcheraient votre ouvrage. Pour un bord net et franc, on ôte le scotch sur peinture humide.

        Je n'ai pas d'autre endroit à repeindre, là, tout de suite. Dommage. J'aurais bien encore tiré sur des scotches.
            


jeudi 10 septembre 2020

Frugalisme


     J'ai été tout sauf frugale ces derniers mois. La fin du confinement est allée de pair avec une frénésie d'achat que je vois mal comment justifier - une sorte de faim à satisfaire. Je n'ai pas essayé de lutter. Il me semble que cela fait en réalité partie de mon fonctionnement : des phases raisonnables, assez générales, des phases d'ascèse bien plus courtes et quelques furies de ce genre. J'ai acheté, en gros, tout ce qui me faisait envie. Au détriment de mon épargne et de l'écologie, et j'en ai conscience. Le pire ? je ne regrette même pas. J'apprécie ce que j'ai acheté. Même si ça m'arrangerait de claquer moins d'argent quand même...

     Alors ? Comment articuler ça à des valeurs de frugalité que je trouve louables ?

     Commençons par une enfance pendant laquelle je me suis sentie très limitée sur le plan matériel. Jamais, jamais je n'ai reçu un cadeau de mes parents pour mon anniversaire. A Noël, c'était un cadeau, point final. Ils ne faisaient pas cela par méchanceté, loin de là. Ils étaient nés pendant la guerre. A cette époque, et pour cette génération, il n'y avait pas de cadeau. "Une orange pour Noël", nous disait mon père. Mais j'étais en décalage avec ma génération à moi, et cela ne contribuait pas à me donner confiance en moi, car tout allait dans ce sens : très peu de vêtements, rien d'original à manger, jamais de ces petites babioles qui ne servent à rien mais ravissent les enfants. Pas de place pour la fantaisie.

     Donc, je suis très imparfaite. Et très pragmatique aussi : pas question de repousser tout le temps le plaisir d'aujourd'hui pour l'hypothétique satisfaction de plus tard. Ma mère a commencé à percevoir sa retraite à 62 ans. Elle aurait pu attendre 65 et obtenir plus d'argent chaque mois, a fait remarqué mon père. Elle a tenu bon : ce serait tout de suite, point. Bien lui en a pris : elle est morte à 62 ans, après quelques mois à toucher sa pension.
     Voilà ce qui traîne dans mon inconscient.


     En même temps, j'ai lu ce livre et il contribue à ma réflexion. Ce n'est pas nouveau. J'ai l'impression d'avoir cherché la porte de sortie le premier jour où j'ai mis les pieds au travail. Parce que j'y étais très mal, au début. Puis je l'ai apprivoisé. Il n'empêche que se sentir libre aide énormément : depuis que j'ai légalement le droit de faire moins d'heures (pour un salaire plus important !) et qu'en plus je suis à temps partiel, travailler a une part logique dans mon quotidien, sans l'effet "piscine à débordement" du plein temps d'autrefois. 
     Pour autant, j'aime l'idée de pouvoir choisir son mode de vie. Toutes les personnes qui témoignent dans cet ouvrage ont fait des choix de vie clairs pour s'offrir du temps. Amasser une petite fortune puis vivre uniquement de ses intérêts, ou diminuer drastiquement ses dépenses pour augmenter la part épargnée, ou les deux. Sachez que si vous épargnez 50% de vos revenus, dans 17 ans, vous êtes libre financièrement. Que si vous avez mis de côté 25 fois l'équivalent de vos dépenses annuelles, vous êtes libre financièrement. Ce n'est pas de l'utopie. Ce n'est pas inaccessible.
            Alors, pourquoi je ne le fais pas ? 
            On pourrait se dire que je me cherche des excuses. D'une part, j'ai trois enfants. Le parcours financier est forcément un peu impacté, et ça en vaut bien la peine. D'autre part, eh bien, si, en fait, je le fais, cet effort. A mon petit rythme. D'où l'achat il y a cinq ans de trois appartements qui sont en location en ce moment. D'où mon idée fixe d'acheter un appartement à Paris. D'où mon insistance à rembourser au plus vite le crédit de la maison, et le fait qu'on l'ait soldé il y a deux ans, soit trois ans avant la date butoir. 
     Mais ça ne suffit pas. Car pour acheter ce fameux appartement, en l'état actuel, il me faut emprunter. Et je ne peux pas le faire à cause du crédit en cours, quand bien même ces appartements sont aussi source de revenus (les banques sont très, très chatouilleuses avec leurs sous). Je n'avais aucun problème pour emprunter avec mon conjoint, qui gagne plus que moi. Maintenant que je voudrais le faire seule, ça coince. La conseillère, l'an dernier, m'avait dit qu'on pourrait me prêter maximum 62 000e.
            Ah ah ah ah ah.
            Alors, que faire ? Renoncer ? Oh que non. Arborer un sourire en coin et relever le défi. Ah oui, vous ne me faites pas confiance ? On va voir ce qu'on va voir ! je vais en épargner, moi, de l'argent, et plus je le ferai, moins je dépendrai de vous !
         J'aimerais beaucoup revenir voir la conseillère et lui dire que 60 000e me suffiraient puisque j'ai su mettre de côté TOUT LE RESTE. Mais avec un salaire mensuel de 2145,91e (c'est précis) je ne vais pas non plus faire exploser les compteurs en un claquement de doigts. Surtout que j'aime acheter des choses, aussi, parfois.
            D'où l'important de garder son objectif visible sous ses yeux. De garder sa motivation. Et d'où l'outil suivant :

                
                J'ai acheté deux pochettes de papier millimétré, pour la modique somme de 1,20e (en fait, une seule aura suffi). Chaque feuille comporte 504 cases d'un centimètre carré. Elles sont recto verso. J'ai formé un carnet avec suffisamment de pages pour fournir l'équivalent d'un mètre carré. Un vrai mètre carré. En sachant que je pars sur l'idée d'achat d'un 20m2 pour le prix de 300 000e (oui je vise large, qui peut le plus...). J'ai calculé : ça nous met le prix du mètre carré à 15 000e, et du centimètre carré à 1,5e. C'est tout ! moins cher qu'un café ! voilà qui va me faire réfléchir à mes dépenses. Mais il faut multiplier chaque case par 20 puisque je veux 20m2. 
            La procédure est simple : à chaque fois que j'ajouterai 30e sur mon PEL, je pourrai noircir une case. Je vais voir grandir peu à peu mon épargne, mais surtout, matériellement, la surface à laquelle je peux prétendre. OUI, ça peut sembler enfantin. Mais j'ai besoin d'avoir conscience du but ultime et de le garder en vue tout le temps. Je pense que ça peut marcher, me connaissant... Dans tous les cas ça m'aidera à avancer plus loin.

                Et j'aurai hâte, deux fois par mois, de faire un virement sur mon PEL, du plus haut multiple de 30 possible !
 

vendredi 28 août 2020

Les grilles de l'Elysée

     Un samedi à Paris, en famille. Les billets de train attendaient depuis longtemps sous la trappe du bureau, au point qu'il a fallu les chercher frénétiquement la veille au soir. Le pass pour le musée était imprimé, les cartes sorties, le trajet étudié. J'ai déterré des tickets de métro tarif réduit pour les enfants, datant de notre dernière escapade à cinq il y a un an et demi.

        Il va sans dire que l'expo Turner à Jacquemart André les a peu passionnés. Doux euphémisme. Entre celui qui s'abîmait dans la contemplation de la moquette et celui qui se tortillait sur place en ronchonnant, on a mis de l'ambiance dans les salles (bon...pas trop quand même. Ils se sont tenus potablement. Mais la moyenne d'âge a baissé d'un coup grâce à leur présence, et c'est pas si mal). 

        Le pique-nique au parc Monceau a remporté plus de suffrages. Désolée Turner, ton art ne tient pas devant le croustillant d'une chips. (une chip ? de toute façon qui n'en mange qu'une ?)

        Il s'agissait de marcher toute la journée, direction Montparnasse, en se ménageant diverses haltes. Les Tuileries, les macarons chez Pierre Hermé...

            Sur le parcours, on pouvait caser l'Elysée. Passer devant. Même si "on ne verra pas grand-chose", dixit l'homme. Pas grave. Nous y sommes allés. Passer devant le ministère de l'Intérieur, puis le palais. Voir les drapeaux des ambassades. Faire halte devant les grilles, quelques instants, et expliquer aux enfants que c'est de là que le président du pays fait son discours, à la télé, on voit les images des fois, comme le jour de l'An, comme pour le coronavirus. Et d'ailleurs, quel que soit le nom du président.

            En apparence, c'est du tourisme anodin. Mais si c'était plus important que ça ? Montrer que le lieu qu'on voit à la télé, parfois, existe en vrai, là, le long d'un faubourg, on en est témoin. Que le pouvoir est juste ici, dans cet endroit pas si énorme, exercé par un être humain pas si différent de nous. Désacraliser la politique (au cas où elle puisse avoir quoi que ce soit de sacré chez quelqu'un...). Ce ne sont que des histoires d'hommes entre eux, mais qui rejaillissent sur des millions d'hommes par la suite. N'est-on pas plus lucide de le savoir ? Quand le pouvoir nous paraît proche, ne sentons-nous pas mieux le nôtre ? Croiser le maire du village et se dire qu'on peut dialoguer, expliquer, demander. Alors, passer devant l'Elysée, plonger le regard à travers les grilles et se dire qu'on possède un soixante millionième de droit sur ce lieu de pouvoir. Le sentir. Le savoir. Se sentir plus proche du pouvoir, physiquement, pour ne pas s'en détourner par la suite. Parce que les gestes comptent, exprimer son avis compte, croire qu'on peut faire changer les choses est la seule façon de les faire changer.


            Au prochain discours, on leur dira : "vous vous souvenez ? Cette fois où il y avait la fête foraine aux Tuileries ? on était passé devant l'Elysée !". Et ce ne sera pas un lieu mystérieux, intimidant, froid pour eux. Mais ce-palais-devant-lequel-on-était-passé-avec-tous-les-policiers-et-leurs-super-pistolets.

            On construit nos petits citoyens. Les yeux ouverts, si possible.

            

 

mardi 25 août 2020

Mettre en ordre


                            
           Toute l'année précécente, il y a eu les messages du lundi. Ou du mardi. Ou du mercredi, les semaines trop frénétiques.
            Avec deux amies, nous avons exhumé une tradition qui nous avait reliées autrefois, pas très longtemps, mais de façon plaisante. S'envoyer en début de semaine un petit message avec un objectif, puis, éventuellement la photo-preuve de réussite. Je revois encore Maud le pouce levé, victorieux, Aurélie ses baskets à la main pour célébrer son jogging, et mon assiette de scones aux raisins secs. Je les revois car je les ai vues en photo autrefois.
            Aléas du temps, des distances, des circonstances, nous nous étions peu revues, et en tout cas jamais ensemble. 
             En septembre dernier, pour encourager Maud dans son congé formation, on a relancé les petits messages. Un, deux objectifs annoncés. La satisfaction de les accomplir. Ou souvent, l'aveu un peu contrit que non, décidément, on n'était pas retournée à la piscine / on n'avait toujours pas touché aux rédactions des 3B. Pas grave. Un petit espace de partage des humeurs, les bonnes et les autres, un petit élan dans le "ça va comme un lundi" hebdomadaire.

            Et cet été, le grand Meeting des Trois Comploteuses a eu lieu ! Rien d'extravagant. Discuter autour d'un repas pendant que les enfants jouent ensemble. Donner un versant concret à nos messages. Qu'on reprendra avec davantage d'amusement, j'espère. 

            Aurélie m'a offert le cahier ci-dessus (mon goût pour les cahiers n'est pas un mystère, et surtout, elle s'en est souvenue après tout ce temps). J'étais ravie, et d'un autre côté, vu le nombre entamés dans la chambre, il risquait d'attendre longtemps dans un coin. Dommage.

            J'ai donc inventé un nouveau besoin pour utiliser ce carnet ! pas très frugal, me direz-vous. Au contraire. Car le besoin préexistait, c'est sa manifestation sous forme de carnet qui est nouvelle.

            Mon Cahier de Désencombrement. Declutter party is on !
            Voici la procédure :

- j'identifie un endroit qui a besoin d'être trié (ce qui ne pose guère problème, le problème étant justement que la réponse est : "partout").

- je fais la photo AVANT.

- je vide l'endroit. C'est là qu'il faut veiller à viser petit : un tiroir, un morceau d'armoire, un bout d'étagère. Pas une pièce. Pas un étage. Pas "je rassemble tous les livres de la maison en un grand tas et..." Marie Kondo, tu es adorablement kawaii, mais ta méthode ne colle pas avec mon quotidien d'en ce moment. Disons que je dégraisse le mammouth.

- je trie : à jeter, à garder là, à garder ailleurs, à donner...

- je pense ergonomie et logique au moment de ranger à nouveau : il faut de l'espace pour bouger, il faut que ranger soit aussi facile que ne pas ranger pour que l'habitude se prenne.

- je fais la photo APRES et colle les deux dans le cahier. Quoi de plus motivant que de voir là, tout de suite, un résultat de ses actions ? Et en photo, ça paraît plus objectif, extérieur à soi. 

            Vous me direz : à ce rythme, ça va coûter une fortune en photos instantanées, était-ce bien nécessaire ?

Bonne remarque. La réponse est oui. Car d'une part, même si je claque soixante euros en recharges thermosensibles, c'est une somme importante mais très bon marché pour un rangement personnalisé et rationnel de mon intérieur. On doit payer cinq fois ce prix pour une consultante extérieure, non ? Et elle n'aurait pas toutes les clés pour savoir comment je fonctionne. Et j'ai besoin de savoir, MOI, comment faire évoluer les choses. D'autre part, si quelqu'un est assez paresseux pour ne pas remettre un objet à sa place, sera-t-il assez courageux pour prendre deux photos avec son téléphone portable, puis transférer les fichiers afin de les imprimer, puis le faire, enfin les découper et les coller ? Bien sûr que non.
 
            D'ailleurs, si quelqu'un est assez paresseux pour ne pas remettre son objet à sa place, ce n'est pas qu'il est paresseux, c'est que l'objet n'est pas à la bonne place.

 

vendredi 24 juillet 2020

La maison de vacances

 
    Vue depuis la cuisine.
     Une maison près de Biarritz. A l'horizon, après le palmier, la mer, on ne la voit pas mais son roulis est là, incessant.
     Y retrouver des amis. Y passer une semaine. La plage, les repas, les enfants, les blagues éculées qui font rire encore une fois. Du soleil. Oublier les pandémies, le travail, dormir, beaucoup. Même sur la plage.
     On repart demain.
     C'était bien.
     C'est bien (il reste ce soir ).

dimanche 12 juillet 2020

Espoirs


Dawn
Le Jour se Lève
L'immensité

Le Monde est Beau
La Vie est Belle
Dolce Vita

Twilly
Capeline
La petite robe noire

34 boulevard Saint Germain
Paris-Deauville
Paris-Biarritz

Lucky 
Chance
Talisman

La Fille de l'Air
Un jardin sur les toits
Hidden on the Rooftops

Wander Through the Parks
Lost in the City
Tender

Si
Happy
Irrésistible

Vanille fatale
Orange sanguine
Mandarine basilic

Alien 
Oyedo
Oud Palao

Fort Royal
Smyrna
Valparaiso

Farenheit
Orchid Soleil
Aloha Tiaré

Bois d'argent
Ambre Sultan
Santal de Mysore

Angel
Aura
Moonlight in Heaven

Fragile
Libre
Amor Amor

Sauvage
Le Mâle
L'Interdit

L'Air de Rien
Feuilles de Tabac
Citron Citron

Boxeuses 
Cuir mauresque
Fumerie Turque

Le Beau
La Belle
Scandal

J'adore
Yes I am
Good Girl Gone Bad

You or someone like you
Love don't be shy
Coeur Battant

Dans tes bras
Mille Feux
Eloge du Traître

Les Fleurs du Déchet
Fucking Fabulous
Yes I do

Outrageous
Putain des Palaces
Sécrétions Magnifiques

Sale Gosse
The Night
The Moon

A la nuit
Pour un Homme
La Nuit de l'Homme

Une Voix Noire
En Passant
Noir Epices

L'orpheline
De profundis
La couche du diable

Back to Black
Playing with the Devil
Dark Lord : Ex Tenebris Lux

Anyway
Untitled
L'Innommable

Rien
La Fin du Monde
Like This

Histoires 
que les parfums racontent, 
qu'on se raconte à travers eux. 

Façons de se projeter,  
se programmer, 
d'espérer. 

Revendiquer, 
tenter, 
dissimuler. 

Essayer, 
déguiser, 
affirmer. 

Se choisir 
une odeur 
comme on s'ajoute une identité. 

Feinte 
ou 
réelle. 

Croiser un effluve 
et y lire 
qui on est. 

Se faire happer par une fragrance 
et y découvrir 
qui on devient. 

N'avoir 
pas 
le choix. 

Accepter. 
Se laisser vaincre par les sens, 
s'y laisser tomber avec confiance, 

ils savent mieux que nous, 
ils sont nous débarrassés de notre gangue de cérébralité.
Ils exhalent.



vendredi 3 juillet 2020

Et puis voilà


     Tu rapportes les derniers cartons à la maison. Tu as vidé ta salle de cours, intégralement, de tout ce qui t'appartenait, de tout ce qui la faisait tienne. Des feuilles, beaucoup trop. Des cours jamais trié. Des livres, des pochettes, des manuels, des stylos, des objets en tout genre. Tu as retiré des murs tout l'affichage, les arbres en carton bricolés avec les élèves, arrachés, la grande nappe en papier pour coller la frise chronologique, dégagée. La salle est à nouveau neutre, blanchâtre, blafarde, avec quelques traces de pâte collante en plus et quelques écailles de peinture en moins. 
     Auras-tu la même l'an prochain ? Probable. Mais quand même. Redémarrer à zéro.
     Ou presque. Au-dessus du tableau blanc, la guirlande en origami faite par une amie. Sous l'horloge, l'inscription "la chance est un muscle", qui date d'un certain vendredi 13 de septembre dernier. Laissés là. Quand même. Derniers oripeaux d'une année anomalie.

     Tu vides ton casier. Tout verser sans ménagement dans le carton, de ceux qui emballent les ramettes de papier dont on fait une consommation affolante bien que soucieux d'éliminer le superflu.

     Tu rapportes à ta voiture ces derniers reliquats de ton année scolaire. Mélancolique. Les autres années, déjà, ce dernier jour, celui des réunions, tu n'es plus pressée de partir. Tu n'as plus d'obligation à fuir. Les collègues s'échappent les uns après les autres, enthousiastes. Toi, tu te réjouissais de cette fin. Chronique d'une mort annoncée. 
    Mais au fond, l'idée de la fin te suffisait.
    Cette année, tout est différent. Les tonalités étranges. Tu n'aimes pas préparer des cours, encore moins les donner, tu détestes corriger des copies. Toutes ces pesanteurs infinies. Cette réunion sur les projets ce matin, ces budgets à débattre infiniment, se voir reprocher à la fois ce qu'on fait et ce qu'on ne fait pas, devoir anticiper, classer, réfléchir, décider, le bruit des élèves, le bordel dans le sac, les sonneries récurrentes. Toutes ces pesanteurs. Jour après jour.
     Mais le dernier jour n'est pas le même, et encore moins cette année où il pue l'imposture. Tu n'as même pas eu le temps de faire qu'il faut défaire. Et pourtant tu en as fait, des cours. Il va falloir trier en numérique cette fois.

     Si on te disait qu'il faut y retourner, là, lundi matin, tu hurlerais à la mort. Comme ce n'est pas le cas, tu murmures à la mélancolie.
      Les élèves qu'on n'aura pas revus. Qu'on ne reverra pas puisqu'ils partent tous vers un autre établissement. Ce n'est pas si grave. Mais toujours étrange.

     Et ce dernier jour, c'est quitter les collègues. Rien de bien choquant. Tu ne pouvais déjà plus entendre les plaintes, les critiques. Mais il y a aussi les sourires, les rires, le calendrier passé dans les rangs pour noter son anniversaire, la collègue pas revue depuis des mois qui revient en gémissant, le dos en compote, celui qui a glissé un petit cadeau acheté par sa femme dans ton casier, parce que tu as aidé un peu son fils à préparer son bac de français - bac qu'il n'aura jamais passé, celui qui part vers une affectation encore inconnue et qui serait bien resté, et qui reste encore bavarder un peu, comme pour conjurer le moment. 
     Ce sont les gens qui font la valeur des instants.
     On les retrouvera.

    Déjà, tu te prépares à la suite. Une journée de vadrouille urbaine demain. Télécharger un fond d'écran estival sur l'ordinateur. Regarder avec dédain la pile des cartons dans le bureau, quoi, je n'ai pas trié ce coin-là de tout le confinement, il va vraiment falloir s'y mettre?

    Tu acceptes. Ce petit fond de mélancolie parce que c'est fini.

    Autre chose commencera.

   Autre chose est en train de commencer.