dimanche 22 mars 2020

Restez chez vous !


1
15''

Dénicher un mouton de poussière dans un recoin
(s'il n'y a qu'à se baisser, revoir son système de nettoyage)
2
1h

Ecouter tout l'album musical d'un artiste dont on ne connaît qu'un morceau

3
1h40

Revoir un film mythique
de son enfance
(et se préparer à trouver qu'il a
pas mal vieilli, comme nous)
4
30'

Sortir du congélateur / placard / frigo un aliment qu'on a toujours la flemme de cuisiner et s'y coller
5
5'

Contacter quelqu'un qu'on aime bien mais qu'on n'a pas vu depuis longtemps
(SMS, mail, téléphone,
skype, pigeon voyageur...)
6
10'

Réparer un vêtement oublié dans l'armoire car défaillant (ôter la tache, recoudre l'accroc...)
(mieux que du shopping,
vous savez, ce truc
qu'on faisait autrefois)

7
2'

Décoller une étiquette inutile sur un objet qui se balade dans votre champ de vision
(astuce : une goutte d'huile pour éliminer les restes de colle sur du verre ou du plastique)
8
1h

Apprendre à jouer un morceau de musique sur un instrument
(ou apprendre à chanter une chanson autrement qu'en yaourt)
9
10'

Se couper les ongles des pieds avec application
(et ajouter
tous les soins de pédicure
que vous oserez tenter)

10
15'

Planter une graine de quelque chose quelque part
(vous avez bien un poivron, une lentille... un pot de fleur où prélever un peu de terre...)
11
20'

Tester une coiffure inédite ou une expérience barbe différente
(si c'est moche on a le temps
que ça repousse)
12
30'

Déplacer un meuble pour se créer un petit recoin... (compléter par le mot
de votre choix)
(de toute façon Ikea est fermé)
13
20'

Tester une recette de cuisine « sans » : sans l'ingrédient qui vous manque
(crêpes sans œuf, chili sin carne, poulet rôti sans poulet... oups)
14
30'

Apprendre à dire quelques phrases dans une langue qu'on a toujours rêvé
de parler
(internet est votre ami)
15
1h

Opération chaussures : cirer, nettoyer, laver les lacets...

(pas de cirage ?
Pensez huile d'olive)
16
2 à 4h

Trier sa messagerie
en intégralité
(créer des dossiers, supprimer, lire les messages gardés pour « un
jour où j'aurai le temps » :
c'est aujourd'hui!)
17
30'

Regarder un épisode de série TV en comptant tous les « interdits coronavirus »  : beau score ? (personnages agglutinés, bisous, main sur la barre du métro)
18
1h

Ressortir un jeu de société classique mais y jouer en ajoutant une règle stupide
(« on intervertit nos cartes
toutes les 5 mn » ; « si tu dis le mot bleu tu as perdu »)
19
10'

Identifier un objet trop lourd à manier et s'en servir pour faire du sport
(le vase en porcelaine
est un choix risqué :
pensez casserole )
20
10'

Entrer en communication avec un animal
(chien, chat, oiseau au balcon... Oui, les fourmis, ça compte. Non, les acariens sont trop petits)
21
5'

Faire un selfie façon
Celeste Barber
(en imitant une photo de célébrité dans un style
beaucoup plus terroir)
22
2h

Enquêter sur internet
pour enfin résoudre
un problème chronique
(insomnie, cor au pied, procrastination...)
23
5' à 20'

Sortir de sa bibliothèque autant de livres à relire que son jour de naissance
(si vous êtes né le 30 du mois, on peut se confiner longtemps!)
24
15'

Contempler le feu et se laisser hypnotiser
(cheminée, bougie, bougie électronique, vidéo de bougie électronique, briquet,
reportage sur Notre-Dame...)
25
20'

Faire des paris sur l'âge des célébrités ; en repérer trois qui ont votre âge
(le même âge ne rend pas pareil sur tout le monde :
vous, vous êtes superbe)
26
15'

Utiliser ce produit cosmétique/ pharmaceutique que vous snobez à cause
du temps de pause
(c'est celui couvert de poussière sur l'étagère de la salle de bains)
27
plusieurs nuits

Identifier votre vrai rythme de sommeil, naturel ; trouver comment le respecter davantage à l'avenir
(dans l'optique où on en aurait un) (...qui reste l'option principale)
28
10'

Apprendre des insultes désuètes pour changer un peu des sempiternels
c***, va te ***
(on trouve sur le net
des listes très savoureuses)
29
2h

Tenter de cuisiner un de ses mythes culinaires et poster
la photo avant (la recette) / après (votre résultat) sur un réseau social
(ça pourrait devenir
un running gag)
30
1h

Tirer au sort un mot dans le dictionnaire et, dans l'heure qui suit, le recaser dans la conversation avec naturel
(si vous êtes confiné seul,
c'est le moment d'appeler mémé)
...c'est peut-être votre seule chance de sauver des vies humaines en vous coupant les ongles des pieds !
RESTEZ CHEZ VOUS
sans devenir fou :
30 DEFIS A RELEVER

vendredi 20 mars 2020

Nouveau matin


     C'est fou comme un rythme se crée rapidement. Quelque chose qui soutienne la journée, un semblant de colonne vertébrale.
     
        Au fond, nous sommes confinés depuis dimanche. A part mon mari qui est allé faire diverses courses nécessaires, nous n'avons plus quitté la maison. En soi, au départ, ce n'est pas une punition. Heureusement, un jardin, heureusement, du soleil, et les cris des enfants provenant des jardins d'en face. Ce sont les copains d'école, on ne peut pas les voir mais on sait que l'enfance continue son petit bout de chemin.

       Cette période va-t-elle confirmer à chacun son essence profonde ? Avoir du temps me paraît toujours aussi précieux, même quand j'en ai trop. Lire aussi. Les cours de danse vont me manquer. Tout comme aller errer à pied dans les rues. Le spectacle des gens s'affairant, innocents. 

     La permanence des répulsions ou de la procrastination, aussi. J'ai enfin assez de temps passé à la maison pour trier chaque tiroir. Pourtant, ce n'est pas une priorité. J'ai même très bien réussi à éviter de le faire jusque-là. Notons qu'un grand tri avec trois enfants sur le dos, c'est pas pareil. 

     Mais il est huit heures. Le moment de laisser se dérouler le programme quotidien :

- se lever (le réveil "officiel", publique, car mon réveil privé sonne à six heures et m'offre un peu de calme avant l'agitation), prendre son temps devant la tasse de café. La remplir une seconde fois. Lire sur la tablette la toute nouvelle biographie d'Agatha Christie sur fond sonore de dessin animé, tandis que ça bavarde, chahute, que le chien veut entrer ou sortir

- quelques préparatifs de rigueur dans la salle de bains, même si beaucoup sont vains, pour me sentir réveillée

- allumer l'ordinateur, préparer sur cahier une partie du travail pendant que les logiciels tardent à s'ouvrir (connexion pourrie, bonjour !)

- vérifier les messages du travail, aller relever les "copies virtuelles" envoyées en retard

- préparer, taper, envoyer mon cours, les devoirs, tout ça

- entendre les enfants poser tous des questions à leur père dans la pièce d'à côté tandis qu'ils font leurs devoirs (alors gérer petite section / CP / CM1, comme classe unique, on dirait pas mais c'est assez sport)

- voir débarquer le petit dernier qui veut jouer à côté de moi et mettre mon casque sur les oreilles pour un semblant de calme

- finir presque à l'heure du déjeuner et me dire : "Oh, on s'en fiche, on mange n'importe quoi ce midi" (ça ne pourra pas durer comme ça quatre semaines, cette affaire…)

- pause déjeuner, télé, repos, sieste, rien (…donc tout : divertissement, sommeil, lecture, réflexion, idées)

- activités avec les enfants, au programme jardinage, jeux, peut-être lecture à haute voix, ah et aujourd'hui on doit cuisiner des bounty. Il faudrait écrire "bounties", au pluriel, mais ça ne collerait plus avec l'étiquette

- en fin d'après-midi, rattraper ce que je n'aurai pas eu le temps de faire : marcher (session rattrapage sur le tapis roulant), un peu de ménage, lire encore un peu plus, cuisiner… Ce soir, c'est hamburger. A condition que je fasse assez tôt la pâte des petits pains pour qu'elle puisse lever (notons l'allitération en P, sais pas trop ce qu'elle exprime, mais un petit pain n'a pas grand-chose de menaçant, au moins).

- le soir coucher tout le monde entre 20h45 et 21h30, en ayant pris soin de ne PAS regarder les infos qui font flipper mon fils de six ans, et nous aussi un peu parfois. Sauf les images des villes vides qui ont quelque chose d'hypnotique et de beau. A Tokyo des cerfs sont entrés dans la ville pour brouter les plates-bandes. A Venise, l'eau des canaux s'est tellement éclaircie que les poissons sont de retour. La nature est d'une résilience incroyable.

     Et dans la province du Wuhan, la pollution de l'air a baissé à tel point que le coronavirus, par ce biais, aura sauvé plus de vies qu'il n'en a prises. 
     Ce qui signifie, non pas "virus béni" (surtout pas), mais que nous tuons véritablement des êtres humains par notre surconsommation. 
     Il y aura des leçons à tirer.
     Mais après tout ça, j'aurai quand même besoin de changer d'ordinateur.
     Car je suis une Occidentale typique, quoi que j'essaie de me raconter. Et même si j'ai le même depuis sept ans, qu'il est obsolète par bien des aspects, quand ce ne sera pas ça je changerai autre chose...

     "Z'ai manzé la briosse et pis du pain d'mie", me dit mon fils de trois ans qui fait irruption dans la chambre.
     Moi, de toute façon, tant que j'ai de quoi nourrir mes enfants...


mardi 17 mars 2020

Télétravailler, c'est...


… diminuer son temps de travail mais y penser beaucoup plus souvent
… prendre son mal en impatience quand on tape un texte et que les lettres tardent à s'afficher
…s'habiller quand même le matin parce que rien à faire, en pyjama et vieux sweat, on n'arrive pas à se concentrer
… se demander comment les enfants arrivent à décoller à sept heures sans qu'on leur demande rien alors qu'en temps normal, à 7h15, on les arrache au sommeil dans la douleur
…ne pas trop remarquer le silence dehors car il est assez courant à la campagne
… ne pas trop remarquer le silence dehors car il y a du bruit dedans
… mettre un casque sur ses oreilles sans le connecter à rien juste parce qu'on a besoin de calme. Et qu'on espère dissuader les enfants de nous poser une question. Repenser à cet ami dont on se moquait quand il enfilait son casque anti bruit dans les réunions de plus de dix personnes. Se dire que s'il habitait dans le coin, on le lui aurait bien emprunté.
… observer les symptômes de l'aîné, mal de gorge, fièvre, mal à la tête, et se dire que c'est un enfant, que ça arrive, et c'est tout. Que dans le pire des cas on serait cinq malades confinés et pas cinq cents. Ou dans le meilleur des cas ? 
… réactualiser les pages de communication, messagerie, logiciel de travail, et avoir l'impression que débrancher mentalement sera aussi dur qu'une journée sans internet.

Autrefois je m'imposais un samedi déconnecté. Ne serait-il pas pertinent d'y revenir ? A réfléchir.

lundi 16 mars 2020

Nous y voilà.

     On aurait pu s'en douter, mais pourtant non, nous avons tous été pris de court.
     Déclaration de jeudi soir : fermeture de tous les établissements scolaires.
     Celle de samedi : fermeture de tous les commerces non essentiels à la vie de la nation.
     Le président doit faire une allocution ce soir. M'étonnerait qu'il nous annonce une diminution des impôts quoi.

     Le confinement : nous y voilà. Nous y sommes déjà, de fait. Et tant mieux. Voilà qui règle la question. Des vies humaines valent-elles mieux que le chiffre d'affaires des boutiques de fringue et le maintien de l'éducation traditionnelle ? Oui.
      Ne nous leurrons pas. Le maintien des mesures d'hygiène en milieu scolaire est impossible. Même un élève très soigneux, qui tousse dans son coude quatre fois, peut oublier la cinquième. Les miasme tombent sur la table. Oh, ça sonne, il quitte la salle, une autre classe entre, un autre élève s'installe à la même table et pose ses mains innocemment sur la table. Contamination. Et encore. On parle là de ceux qui font attention. Une minorité…
     Nous-mêmes professeurs ne faisons guère mieux. Je nous voyais laver nos mains avec davantage de soin. Oui mais, avant de toucher le clavier d'ordinateur en salle des profs, tu es sûr de ne pas avoir touché ton visage ? Et ce paquet de M&M's posé sur la table, gentille attention, tout le monde plonge la main dedans. 
     Inévitable. En temps normal.
     Problématique.

     Alors on va vivre à l'abri, avec les cris des enfants qui résonnent dans les oreilles, peut-être, mais pas la culpabilité d'avoir contribué à répandre un virus encore méconnu. Tout cela reste très abstrait jusqu'à ce que le père de la voisine meure de pneumonie dans ton quartier. Ce qui ne m'est pas arrivé, dieu merci pour lui (je ne connais pas tellement les voisines et encore moins leur père d'ailleurs). Leur père ? Leurs pères ? Un seul chacune mais pas le même pour toutes. J'hésite.
      On s'en fout. Tant qu'il est vivant.

jeudi 12 mars 2020

L'objet du délit



     Ceci est un bocal de pâtes.

     Non : ceci est LE bocal de pâtes. Celui qui abrite 1,5kg de spaghetti (oui, on ne voit pas bien l'échelle mais c'est un grand bocal). Pour être tout à fait précise, je dirai qu'il ne s'agit plus de spaghetti, depuis un an, mais de cappellini, c'est-à-dire strictement la même chose en plus fin (on s'est rendu compte qu'on préférait ça, à la maison, et malgré un léger surcoût, bon, ça reste des pâtes, ça va, quoi).

     Il y a dix jours, je pars en mission courses. J'oublie ma liste à la maison. J'en griffonne une au travail, assez complète, mais en oubliant un article : les pâtes. Nous survivons donc au dîner de jeudi dernier en compensant par des macaronis.

     Ah, oui, quelques informations s'imposent. Chaque jeudi soir, j'ai cours de danse. Chaque jeudi soir, mon homme prépare le dîner : des pâtes au beurre. D'abord, le jeudi est notre jour végétarien. Ensuite, c'est facile. Enfin, tout le monde aime ça. Et c'est pas cher. Chaque jeudi soir, je rentre de la danse et il me déclare : "Oh là là, je comprends pas, j'avais mis 500 grammes mais ils ont dévoré, _ _ _ _ _ en a pris trois fois" (compléter les pointillés par le prénom d'un de mes enfants, en alternance). Chaque jeudi soir, j'en prépare une portion pour le lunch bag du vendredi midi. En général j'y ajoute du fromage (French Attitude, bonjour).

     Bref. L'autre lundi, j'avais oublié les pâtes. Devant refaire des courses samedi, je le note bien clairement sur ma liste. 
     Certains parlaient de surstockage, de pénurie ; à l'autre bout du monde des Japonais se seraient rués sur le papier toilette et des Australiens se seraient battus pour quelques rouleaux (cette information est restée un mystère pour moi : survivre sans papier toilette, c'est jouable, non ? même mes élèves ont souri avec gourmandise quand je leur ai glissé qu'au pire, le livre de français qu'on n'a pas envie de lire peut dépanner…).
     Il est 17h. J'entre dans le magasin. Les gens ont l'air paisible. L'atmosphère est… normale, en fait. Les rayonnages aussi (comme on démarre par les jouets et la papeterie, le contraire serait étonnant). J'oublie ces histoires de pénurie et fais mes courses. 
      Tout se passe selon un schéma d'une telle banalité que je vais vous en épargner le récit, jusqu'au rayon pâtes. 
     Dévalisé.
     Près de lui, les étagères de riz font grise mine. Il en reste un peu quand même. Mais les pâtes ! Tout l'étalage a été vidé méthodiquement du milieu vers les côtés. Toutes les pâtes de marque distributeur, de premier prix, de grande marque, tout a disparu. Sur les côtés, il nous reste quelques paquets abandonnés, c'est presque vexant pour eux, les pauvres. Des vermicelles. Des pâtes chelou : pâtes aux oeufs que mes enfants risqueraient de recracher, pâtes complètes tellement complètes qu'elles sont couleur chocolat. Je n'ai rien contre, a priori, mais pour avoir fait un crash test à la maison, quand personne ne veut finir les torsades, c'est que ce n'est pas pour nous. Je suis pour la pâte complète en théorie, mais en pratique, je veux de la bonne vraie pâte blanche de base, avec le moins de goût possible, merci. Oui, j'ai quatre ans dans ma tête et parfois dans mes papilles. Je le vis très bien. Il reste aussi, tout au bout, là-bas, les pâtes catégorie "gourmet": des paquets aux jolis emballages, aux noms italiens, et qui rendent le plat du pauvre digne d'un aliment de luxe. Les prix s'envolent. 
     Je ne peux pas rentrer, deux fois de suite, sans pâtes. 
     En plus, on a mangé nos macaronis. 
     On s'acheminerait vers une émeute du jeudi soir.
     L'homme est très ritualisé sur la nourriture. L'enfant aussi. Alors quand un homme cuisine pour des enfants, on ne peut pas leur faire des petites blagues du genre : "Chéri, il n'y avait plus de pâtes, cette fois, ce sera quinoa !"
     Je choisis donc, au bout du rayon, ce qui ressemble le plus à ma cible : trois paquets de linguine, 500g chacun. Pour un total de 4,50e, ça fait mal. Des pâtes italiennes pour de vrai, avec tout écrit en italien sur l'emballage. Ce qui me fait une belle jambe. Pour le prix j'espère qu'elles seront bonnes.
     C'est rigoureusement la quantité que j'aurais prise en temps normale. Pourtant je me sens vaguement honteuse en passant à la caisse, surtout quand j'entends les caissières s'indigner en voyant ce rayon vide en ligne de mire : "Non mais faut faire une photo, là ! - C'est grave, quand même ! les gens font n'importe quoi".

     Il est de bon ton de s'indigner devant ce comportement absurde, ridicule, incivil, disproportionné : stocker des pâtes à la maison pour quelques centaines de personnes vaguement concernées par une maladie (donc zéro cas avéré dans mon département, précisons, et c'est toujours le cas aujourd'hui, ce que je vais savourer tant que ça restera vrai ; après, on avisera).
     Et pourtant, ce n'est pas mon envie. Au contraire.
     J'imagine le petit couple de retraités qui fait ses courses. Qui passe dans ce rayon : "Tiens, prends quand même un paquet de plus, on sait pas !". La mère de famille qui pense à ses enfants, qui se dit : "S'il fallait les tenir enfermés deux semaines avec des choux-fleurs, ça se finirait mal" et glisse deux paquets dans son caddie. A l'innocent qui en prend parce qu'il y en a. Au prévoyant qui en prend parce qu'il y en a encore. A ceux qui en prennent parce qu'ils en prennent toujours. A ceux qui ont regardé sagement l'actualité et ont tout simplement répondu à l'injonction de peur qu'on leur a balancée. A l'égaré qui n'a pas regardé la télé depuis deux mois, est passé par là, s'est dit : "tiens, je mangerais bien des pâtes ce soir" et a pris ces coquillettes sans même remarquer qu'elles erraient seules, façon lendemain de fête, sur les rayonnages.
     Mettez tout ce petit monde le même jour, au même endroit, et vous avez une pénurie.
     Eh bien, moi, tous ces gens, je les trouve plutôt attendrissants. 
     Est-ce du gaspillage ? Pas du tout. Les pâtes attendent dans les placards, prêtes à plonger quand il le faudra. Autant le gâchis alimentaire est dramatique, autant les pâtes sont certainement parmi les aliments les moins concernés - à part pour ceux qui ne supportent pas de finir leur vieux reste de macaronis (chez nous, jamais un reste de pâtes n'a fini à la poubelle : il est presque toujours mangé, dans de rares cas concédé aux poules qui se battent pour les finir).
     Et puis ces gens, finalement, vous n'êtes pas contents de savoir qu'ils ont au moins ça en réserve chez eux ? Quel mal cela peut-il faire ? Tant que personne ne s'est battu pour le dernier paquet, tant qu'aucun pugilat n'a eu lieu. Les petits vieux sont rassurés, les jeunes mangeront comme d'habitude, les flippés continueront à absorber l'actualité, tout le monde avec un paquet de pâtes dans son placard. 
     C'est humain. C'est l'effet de groupe. Mais je prêche d'autant plus la tolérance que pour être honnête, s'il y avait eu davantage sur les rayons, je n'aurais pas craché sur un paquet de torsades. J'ai l'angoisse du placard vide. Quand la famille se met à manger, il faut fournir, se tenir prêt à dégainer. 
     Sont-ils irresponsables, ces gens qui achètent tous en même temps ?  ou responsables parce qu'ils se mettent en situation de relative autonomie ? Ou juste individualistes ? 
     Serait-ce plus responsable de ne rien avoir dans son placard et de manquer de quelque chose ? Le risque est faible, il est vrai. Mais je ne supporterais pas d'avoir laissé mes enfants manquer de quelque chose par négligence (flippée, je vous dis).
     La vraie question au coeur de tout ça est la suivante : si quelqu'un se retrouve en panne de nourriture, un des stockeurs viendra-t-il l'aider ? 
     Oui. Je vote pour le oui. Parce qu'on est en France, et que la bouffe, quand même, c'est sacré. Parce qu'on n'est pas du genre à vivre à découvert niveau alimentaire : certains font des bocaux, cultivent leur potager. Ce n'est pas mon cas mais en cas de drame il me reste de la confiture (faite cet été) et du vin rouge à la cave. Je vous dis pas la tête du régime vin-confiture…diététiquement ce serait inédit. Ah, et un oeuf par jour au poulailler.
     Je vote pour le oui parce qu'on ne va quand même pas laisser son prochain sans aide. Des inconnus, je ne sais pas. Mais sa famille, ses amis, ses voisins ? 
     L'être humain est bon, capable d'empathie, et si vous affirmez le contraire passez votre chemin.
     Alors faites comme vous voulez, comme vous pouvez. N'achetez pas plus, pour marquer votre distance face aux injonctions. Achetez parce que vous avez peur. Faites ce que vous pouvez. Ce ne sera pas si grave. 
     Mais préparez-vous, si quelqu'un a besoin d'aide, à partager.

(pour être tout à fait honnête et finir ce message sans psychose, je suis persuadée que nous aurons tous de quoi nous nourrir tranquillement au fil des semaines à venir, quitte à troquer les pâtes contre les patates, sauf hélas ceux qui n'avaient déjà pas assez à manger avant ; mais mes confrères et consoeurs atteints du Syndrome du Placard Vide vivons une période délicate, qui pourrait nous coûter cher en psy, mais beaucoup moins cher en pâtes si elles reviennent dans les rayons, donc ayez pitié de nous, et ne nous jugez pas plus durement que nécessaire car on vous donnera un peu de notre boîte de flageolets si le monde s'effondre !).

jeudi 5 mars 2020

Dormez !

     Je poursuis tout doucement ma lecture de Pourquoi nous dormons, du Dr Matthew Walker. Ce livre était recommandé par Bill Gates. J'ai tendance à faire confiance à Bill Gates. Quand tu possèdes plus d'argent que tu ne pourrais en dépenser toute ta vie, tu deviens incorruptible. Personne ne te fera vanter un livre de force.
     Je le lis tout doucement car il fait bien 500 pages. J'ai atteint la moitié.
     L'auteur est très convaincant. D'abord, il sait vraiment de quoi il parle. C'est le chercheur de référence sur le sommeil, et il s'appuie également sur les expériences de nombre de confrères. 
     Soit vous lisez ces 500 pages. 
     Soit vous me faites confiance, et je vous le dis : dormez !
     On se doute que le sommeil est important, pourtant il reste un peu secondaire dans nos priorités. Quoi, juste aller se coucher, quel ennui quand on pourrait traîner sur internet ou voir des amis !
     Certes. Cependant le sommeil est le meilleur remède universel que nous possédions. Dormir peu augmente de 300% les risques d'attaque cardiaque. Cela diminue immensément notre capacité de mémorisation. 

Deux arguments d'actualité : 

- il est totalement vain de se mettre au régime si on dort trop peu. Je ne vais pas vous ressortir toute l'explication sur la leptine et la ghréline, mais ces hormones font en sorte de vous pousser à manger davantage si vous dormez peu, et par ailleurs, même en restriction alimentaire, font fondre vos muscles plutôt que votre graisse. Moralité : d'abord, dormir. Ensuite, … heu non, pas de régime, le régime c'est foireux (on en reparlera peut-être). La meilleure façon de mettre son corps en mode alerte et de l'amener à stocker dès que vous mangerez normalement.

- en période d'épidémie, dormir est absolument salvateur. Des études ont été faites et on a mesuré tout cela. Quelqu'un qui s'est fait vacciner contre la grippe après des nuits un peu plus courtes, même six heures de sommeil au lieu de huit, développera bien moins d'anticorps et sera peu protégé. Des personnes en déficit de sommeil face à un virus l'ont contracté à 50% d'entre eux, alors que 18% seulement du groupe des bons dormeurs l'avaient eu. Le meilleur médicament contre tout virus est donc le sommeil. Un vrai couteau suisse : il aide tout le système immunitaire.

     Alors pas la peine d'agresser le pharmacien pour trouver un masque ou de courir après le gel hydroalcoolique comme si notre vie en dépendait (ce qui n'est probablement pas le cas). Utilisons-en si on en a et que ça s'avère souhaitable, lavons-nous les mains souvent et DORMONS. Personne n'en parle mais après 250p avec Docteur Matthew, je vous assure que je commence à intégrer le message. D'autant que le remède n'a rien de désagréable.

     Petite parenthèse pour les éventuelles pénuries de gel hydroalcoolique : on trouve différentes recettes pour en faire soi-même. Et même dans le cas contraire, pensons à utiliser des huiles essentielles. Elles sont antibactériennes, et je ne suis pas médecin mais je préfère quelques gouttes de tea tree dans un peu d'aloe vera plutôt que rien du tout.