mercredi 27 mars 2019

Je lis trop.


        Bon. Reconnaissons que parfois, c'est plutôt marrant de ne pas avoir les mêmes problèmes que tout le monde.
            J'en ai entendu, des mères inquiètes, en réunion parents-profs : "Mon enfant ne lit pas du tout / pas assez / plus / rien sauf des mangas". Je les rassure comme je peux, ici n'est pas le lieu d'y revenir, mais ça tourne souvent autour de "le choix d'ouvrage doit venir de lui / tentez les magazines sur son sport préféré, c'est toujours ça / mais la plupart des gens lisent peu en fait / des mangas, c'est déjà beaucoup mieux que rien". 

             Mais en ce qui me concerne, je crois devoir le dire : je lis trop.

             J'ai toujours été grande lectrice. Mais vraiment. Souvenir de m'être fait gronder par mon père un soir, parce qu'à 22h je lisais toujours alors que j'avais quoi, sept ans ? Souvenir d'avoir scotché une page en plus dans le cahier d'emprunt de livres, en CM1, parce que j'avais débordé des 60 lignes standard. Souvenir d'avoir tenté de lire des polars en marchant, pour voir si c'était jouable (spoiler : non, ça ne marche pas, avec mauvais jeu de mots gratuit; du moins pas quand on traverse une rue très fréquentée à chaque paragraphe).

          Etrangement, la période où j'ai le moins lu est peut-être celle de mes études… de lettres. Je lisais encore, bien sûr. Et des ouvrages spécialisées. Et des oeuvres de haute littérature, et tout ça. Mais très peu de choses pour le plaisir en parallèle, car peu d'espace mental, et finalement peu d'ouvrages dévorés avec passion. On ne peut pas écrire un mémoire sur le journal de Gide et lire mille autres choses en parallèle. Bref.

             J'empruntais tout de mon plus jeune âge jusqu'à mes premiers salaires, ou presque. Puis j'ai lu toujours un peu moins qu'autrefois, mais achetais les ouvrages. Jusqu'à me réinscrire enfin en bibliothèque.

            Plantons le décor : aujourd'hui je suis inscrite :
- dans la bibliothèque de ma ville
- dans celle de la plus grande ville d'à côté, à trente kilomètres
- dans un mois je m'inscris à celle de Paris, pour emprunter des livres numériques
- j'ai une liseuse que j'alimente en classiques gratuits (je suis toujours dans mon cycle Zola), en livres achetés (dont pas mal en anglais)
- je lis aussi des livres papiers que j'ai achetés
- je relis très souvent
- on m'en prête aussi parfois…

            Disons qu'à la maison, la pénurie de lecture ne menace pas.

Pulsion de méthode Konmari il y a deux semaines
Et le résultat provisoire car il me faudra tout
reclasser par collection, quand même

           Alors lire beaucoup, d'accord, admettons.
          Mais comment peut-on TROP lire ?  En quoi serait-ce néfaste ? et ai-je prévu de lire moins ? 
           Paradoxalement, la réponse est non. Je ne cherche pas à lire MOINS (j'en voudrais toujours plus, au contraire). Mais peut-être à lire mieux. En créant moins de fatigue, de cumulation. J'ai parfois la sensation d'avaler mes lectures comme on mange trop vite, au lieu de m'immerger dedans. 
            Principalement parce que je lis beaucoup d'ouvrages différents de front. Trop difficile de résister à ce livre, là, que je voulais vraiment découvrir… comment ça j'en ai déjà 5 en cours et autant dans ma liseuse ? pas grave, on n'est plus à un près…
        C'est comme si je "consommais" du livre, parfois. Avec le souci d'absorber ma dose. Alors, attention. Je ne regrette jamais de lire. J'aime lire. Je veux lire. Je fais sonner le réveil à 5h pour avoir le temps de le faire, que diantre (sortons les expressions du dimanche), ce n'est pas pour rien. Mais ne serait-il pas plus simple, plus sain de lire moins de choses en même temps et de savoir les goûter une par une ? ou deux par deux? Allez, dix par dix, au moins ?

          Et d'abord, je lis quoi, là, en ce moment, par exemple ? 

- aux toilettes du RDC : (ah, oui, parce que je lis aux toilettes. Comme partout ailleurs au monde, en fait)

1  Remèdes à la mélancolie, bof, pas passionnée, laissé en plan
Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent : vraiment super. Presque fini. Méthode du Dr Ginott, en application.

- A celles de l'étage :

The Tightwad gazette : 900 pages en anglais sur la frugalité, dois en être page 220 et celui-là n'est pas prêt de quitter son voisinage de PQ avant un an au moins, vu le rythme d'avancement… 

- Dans ma boîte à livres entamés près du lit :

4 Eloge de l'ombre, bien
(+ Un Legardinier, juste pour s'aérer l'esprit (léger à en être vaporeux, probablement), pas encore commencé, je me freine pour ne pas cumuler encore plus)
5 Dans la forêt de Jean Hergland, pris par hasard en bibliothèque, juste génial
6 Sapiens, lu par toutes petites touches
7 You've got a book in you, un peu laborious

- Dans ma liseuse :

8 La Terre, de Zola
9 Les Accoucheuses, une saga romanesque de quoi, 1500 pages ? (n'importe quel récit de sage-femme me captive, j'en ai même lu un, en anglais, d'une sage-femme chez les Amish, ou comment concilier deux centres d'intérêts improbables)
10 Ten Lost Years, sur la Grande Dépression au Canada 
11 Work Optional, sur l'indépendance financière
12 Ecouter le silence, de Thierry Janssen

- Dans ma voiture : 

13 Le dernier Laurent Gounelle, sur Audible, bon il est assez caricatural mais je suis bon public pour ça (même si les invraisemblances d'époque me font un peu pester).

Bon, ça va, en fait. On culmine à 13. J'aurais cru pire. Alors ça ne signifie pas que je lis ces treize livres tous les jours. Mais sur une journée… Six est un absolu minimum.

Est-ce un problème, véritablement ? 

J'ai surtout peur de noyer mon attention dans la lecture et de ne plus être capable de la fixer vraiment. Et puis, quelle est cette pulsion qui m'empêche d'accepter le vide de l'esprit ? Pourquoi ne rien faire, un instant, plutôt qu'agripper un livre comme une bouée ? J'ai moins peur du vide que du plein, au fond. Si mon esprit lit, il est occupé. Quand il est vacant, il me surgit quinze idées à la minute et ça m'épuise. Seulement, à long terme, le remplissage n'est pas une bonne idée. 

Qu'est-ce que je veux vraiment ? 

- Lire autant de livres que je veux
- M'immerger davantage dans chacun d'eux, en faire une bulle plus préservée
- Contrer ma peur du manque et du vide en prenant les lectures successivement et non de front
En somme, lire avec CALME.

Boîte à livres entamés. Elle ne déborde plus
 et ça m'angoisserait presque.
La pile miniature de mon stock matériel, plus un ou deux restés du côté
 de mon homme. Quatre livres. Au secours !!! Pénurie !
Bon, le pavé de Kraybill sur les Amish devrait me tenir un moment quand même...
Mais je veux aussi continuer à lire en abondance, à redécouvrir plus de fiction peut-être. Paradoxalement j'ai du mal à choisir des romans, alors que j'adore me plonger dans une histoire. Trop sélective ? 

Et le passage à l'action : 



Trente-trois livres en stock, depuis début janvier et quelques-uns ajoutés au fil des mois. Depuis début mars et jusqu'à fin avril, mois sans achat, donc pas d'autre en vue. Je me contenterai d'en emprunter 1500 en bibliothèque… Objectif : n'avoir plus que dix livres achetés en stock, et ne plus dépasser ce nombre. Finir avant de commencer. Les numéros barrés sont les ouvrages terminés. Eh oui ! j'avance ! 17 lus. Les numéros entourés sont ceux que j'ai commencés. ET le problème est net : je commence tout. Seuls 6 n'ont pas été goûtés encore… Passons sur le fait qu'une brassée de livres de bibliothèque, qui n'apparaissent pas là donc, m'attendent en bas, et qu'on doit en reprendre samedi. Le cycle sans fin. 
           Les avantages quand même : 
- quand on discute, avec des amis / collègues, j'ai toujours des livres à leur conseiller (je suis un peu fournisseur officiel et pourvoyeur d'informations tirés de livres célèbres outre-Atlantique mais pas traduits)
- je découvre mille choses, bien sûr
- le concept d'ennui m'est à peu près inconnu
- je peux lire d'affilée cinq pages de huit livres différents sans me mélanger les pinceaux une seconde. C'est même risible :  en ouvrant les livres l'un après l'autre, mes yeux se portent spontanément sur le bon paragraphe, celui de la page où je devais poursuivre. Une vraie seconde nature.

Mais… et le calme ? ça vient, ou quoi ? Je reconnais me pencher à nouveau sur la question de la méditation. Encore une idée ressortie pendant une minute que je ne passais pas à lire et PAF ! Qu'est-ce qui est le plus épuisant ? Déborder des idées des autres ou des siennes ?

3 commentaires:

  1. Je lis beaucoup, mais pas "trop". Je comprends tout à fait ce que vous dites à propos de cette avidité à lire, ce genre de frénésie. Je ne l'ai plus. Paradoxalement, quand l'urgence est arrivée, j'ai lu plus calmement, d'une façon plus gourmande, en fait.
    J'ai toujours plusieurs livres en cours, bien sûr.
    Bonne journée.
    BONHEUR DU JOUR

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  2. Voilà, c'est ça : la lecture gourmande. Merci d'avoir mis les mots sur cette réalité. Lire comme on déguste une pâtisserie, cuillère après cuillère, entièrement absorbée par ses sens, et non pas l'enfourner. J'ai encore du chemin à faire !

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  3. Impressionnant !!
    On se complète bien : je lis trop...lentement. Lire n'importe quel livre en une semaine est un exploit, il faut compter plutôt un mois ! Du coup j'en lis trois, quatre d'un coup (ce qui, avant de te lire, me paraissait beaucoup !!). Je picore, suis très vite rassasiée, aimerait retrouver l'appétit monstrueuse de mon enfance/adolescence. Comme quoi, on n'est jamais vraiment satisfaite...tout en essayant de progresser, assumons donc notre manière de lire, comme tu le fais si bien !

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