jeudi 23 mai 2019

Deux paquets par jour

     Ce n'est jamais le manque d'inspiration qui me tient éloignée du clavier. Plutôt une échelle de priorités différentes et le manque de solitude - précisons que dans mon monde, le terme "solitude" est nimbé d'un halo bienfaisant. Ce qu'il n'était pas quand j'étais célibataire et isolée, il y a fort longtemps, mais passons.

     Le rythme ces derniers temps m'a amenée à passer à deux paquets par jour. C'est mal, non ? 
     Des paquets de copies. Fin du trimestre, bulletins des classes de troisième, urgence de corrections, ultimes évaluations, puis compiler les notes, extraire des compétences, rédiger des appréciations. C'est fait. J'arrête les copies (…jusqu'au tas de 35 qui m'attendra lors des corrections du brevet).
     En parallèle, mon petit garçon de cinq ans a fait sa semaine sous chapiteau et son spectacle de cirque. C'était un grand moment. Il a découvert le stress de se montrer en public, l'angoisse de mal faire, il a jonglé avec ses foulards, la mine appliquée, concentrée au maximum (et ouvrant au minimum les mains, ce qui a nettement limité les risques de chute… petit fourbe). 
     
     Je n'ai rien d'exceptionnel à raconter, ce qui veut dire que tout va bien, au fond. Allons-y pour le désordre.

- enfin trouvé un rythme de sommeil qui semble convenir puisque le réveil sonne désormais à 5h20 pour moi (au lieu de 5h) et je me réveille presque à chaque fois quelques minutes plus tôt. Mon corps a intégré.

- lessive à 90 degrés en ce moment même pour des draps blancs. C'est si rare, une telle température, que je me surprends à sentir l'odeur de lessive, de tissu, de caoutchouc chaud dans l'entrée. 

- il me reste cinq livres à lire sur mon énorme tas d'environ 60 volumes il y a un peu plus d'un an. J'ai déjà racheté des successeurs… mais voilà le deal : j'attaque une pile de dix livres quand la précédente est finie. Et je ne peux pas avoir plus de dix livres d'avance. Ce qui va me faire trépigner devant ces livres que j'ai ENVIE de lire là, maintenant, tout de suite. Mais ce qui me pousse aussi à m'enfoncer dans ceux que j'ai déjà et qui sont, au fond, passionnants, bien que légèrement hardus. Un livre de 400 pages en anglais sur les Amish, un livre interminable en anglais toujours sur la grande dépression au Canada, avec  vocabulaire argotique pour pimenter… et pourtant j'aime les lire. Par petites touches. Si tu dois avaler un kilo de farine, fais-le cuillère par cuillère. Et en chemin, tu y prendras peut-être plaisir !

- deux soeurs ont été malades mardi à l'école des enfants et la psychose de la gastro a resurgi. Je suis la seule à psychoter, soyons claire. Pourquoi cette éventualité m'inquiète-t-elle à ce point ? Au pire, on est malade. Y a pas mort d'homme. Je pense que c'est le couperet, la possibilité prête à tomber, ce type de situation, que je supporte très mal. C'était pareil pour mes accouchements : j'admettais qu'ils devaient avoir lieu (forcément) mais ne supportais pas l'imprévisible. De ne pas pouvoir savoir, d'aucune façon, quand, comment, cela se passerait. Je pense être une quiche intersidérale pour appréhender l'imprévisible. Car autour de moi, personne ne s'émeut de ce genre de choses. Bon. Tant pis. Je suis une quiche. C'est bon la quiche.

- j'ai toujours rêvé d'un cèdre du liban. Arbre majestueux, occupant l'espace comme une vraie personnalité dans le paysage. Nous sommes allés à une foire aux plantes il y a peu. Et là chez un vendeur de bonsaïs (!) d'adorables petits cèdres. Pas travaillés en bonsaïs pour le coup, prêts à l'être… ou pas. Le nôtre est désormais planté dans le jardin et dûment protégé de grillage (contre les chevreuils et les lapins) et d'une touffe de mes cheveux (contre les chevreuils, très efficace, paraît-il). Il domine l'espace de ses vingt centimètres de hauteur… pour la majesté on patientera !

- Depuis dimanche, le soir, je monte tôt dans la chambre. Mon homme regarde Blacklist sur Netflix. Je suis lasse de ces séries où le crime dégouline, et de ces atmosphères sombres et anxiogènes juste avant le coucher. J'évite même de regarder les informations ces temps-ci, qui ne semblent pas chercher tant à informer qu'à faire flipper le monde. Comme toujours. Chaque soir, je suis montée, et j'ai regardé un épisode d'un dvd génial emprunté à la bibliothèque : Un jour, je serai danseuse. Reportage tourné au conservatoire de Paris. Le même format que celui tourné à l'opéra et dont on a eu la suite, cinq ans après, diffusée il y a peu sur Arte. Eh bien ce reportage est génial. Une demi-heure en immersion, dans le quotidien, le travail si intense et précis de la danse classique et / ou contemporaine. Les exercices, les commentaires, les façons d'être de chacun. La dureté des enseignants parfois, ou leur humanité. Il me semble que, comme dans mon modeste collège, la méchanceté n'est jamais utile et souvent contre-productive. Certains font avancer les autres en les aiguillonnant. D'autres à coup de reproches. C'est dur. On peut avoir raison sur le fond et se planter sur la forme. Je vais veiller d'autant plus à ne jamais dire quoi que ce soit de méchant des élèves et aux élèves. A quoi bon ? Ce n'est pas ça qui peut les motiver. Une collègue en colère disait l'autre jour d'une élève qu'elle avait "un QI très limité". J'ai trouvé cela grave. Soit c'était faux, et donc pure méchanceté. Soit c'était vrai, et grave de juger. Je connais l'élève en question. Elle est dans une phase "ado évaporée". Ok. On peut tous se montrer un peu bêta. De là à être catalogué… à quoi bon ?Et là je m'égare, mais ce que je vois chaque soir est bien mieux que ça : la perfection du geste, le dilemme entre exactitude et lâcher prise, les moments de miracle quand les deux se confondent. Une des étudiantes disait : quand on danse, on ne peut pas cacher qui on est. En effet. C'est ça qui est beau.

Et stop. Nous sommes jeudi matin, mon moment de liberté. Je vais finir de changer les draps, lire, faire un peu de danse à la barre, et autres petites touches en liberté, sans enfant à la maison, seule avec le soleil.

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