mardi 30 juillet 2019

Mon bébé à l'hôpital


    Il aura trois ans en novembre.
    Mon bébé qui n'est plus un bébé sera toujours mon bébé.
    Je ne suis pas avec lui en ce moment. C'est son papa qui assure le soutien. D'une part, il fallait bien s'occuper des deux grands aussi. D'autre part, il connaît mon inquiétude des hôpitaux et m'a épargné ça. 
     Ce n'est probablement rien de grave. Je l'espère, j'y compte, même. Dur quand même. Voir ton enfant qui souffre. Qui, en plus, ne se plaint pas. Qui te dit "ça va crès bien", la voix molle, les paupières lourdes. 
     Deux jours de vomissements, une déshydratation, un médecin peu compréhensif, et heureusement il a craché du sang sous son nez, ce qui a accéléré la réactivité. J'aurais largement préféré qu'il ne vomisse pas de sang, soyons claire, mais quitte à ce que ça arrive, autant provoquer une décision immédiate. Pauvre petit bonhomme. Alors il passe la nuit à l'hôpital, sous perf. 

     Quand tu es à l'hôpital, mon bébé, je fais des choses stupides.


Je prends en photo ton gobelet et le verre de ton père, parce qu'ils ne servent pas ce soir, et marquent votre absence.
Je ramasse le linge sec sur le fil et intercale tes vêtements entre ceux de tes grands frères, pour qu'ils te protègent.
J'arrache, sur une impulsion, la guirlande solaire qui croupit depuis un an sur le tilleul et n'a jamais marché.
Je n'ai pas faim, et en fait si, et puis non, juste un peu, la faim écoeurante du ventre angoissé, alors je décide de manger ce morceau de pizza surgelée (menu de luxe) uniquement après le prochain message qui me donnera de tes nouvelles. Tout en mâchant, je regrette cette faim idiote qui me fait trouver nécessaire de me nourrir alors que toi, tu ne peux pas ce soir.
J'oublie complètement qu'on avait un dîner demain soir, celui annulé la semaine dernière pour cause de canicule. A ce rythme, on le fera à Noël.
Je lance trois épluchures de melon dans l'enclos des poules, rate mon coup comme toujours, et l'une des trois reste devant le portail. Je la ramasse et la relance parce que, non, je ne te laisserai pas tomber, tu resteras avec tes frères (depuis quand mes fils sont des épluchures de melon ???).
Je répugne à aller me coucher, alors que j'ai sommeil, ce serait comme renoncer de veiller sur toi. Je regarde des vidéos inutiles qui ne t'aident en rien, ni moi, mais dormir et manger, quelle absurdité.
Je me glisse dans ton lit pour sentir ton odeur.
Je suis rassurée de te savoir sous surveillance parce que, vraiment, cette fois, je sentais que quelque chose n'allait pas. 
J'ai hâte de te voir dévorer comme un ogre, me bouffer la tête à force de bavardage, et de râler à ta prochaine bêtise.
Je t'aime.

Et j'ai une pensée, une pensée compatissante pour tous ceux qui voient leur enfant à l'hôpital trop souvent, trop longtemps, trop douloureusement. Cette nuit, j'ai encore la chance et l'espoir de pouvoir croire, raisonnablement, que ce ne sera qu'une histoire sans lendemain. Le parent dont l'enfant va mal ne se repose jamais. J'admire votre courage. Pardonnez-moi, j'espère ne jamais faire partie du club, et je vous souhaite d'en sortir au plus vite par la grande porte, celle qui signe la guérison.
Aucune ambition. Restons au stade "bobologie". 
Que souhaiter de mieux ?

Depuis longtemps déjà, je me suis rendu compte que chaque instant où j'ai mes trois enfants dans mon champ de vision, vifs et en bonne santé, ou paisiblement endormis le soir, est un instant béni. Il y en a beaucoup. Quelle chance. Bénédiction souvent bruyante, lassante. Mais cette belle santé.

Replonger dans l'insouciance.
Demain si tout va bien.
Et le plus vite possible pour vous, je vous le souhaite, si par hasard la santé vous a préoccupé.

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