dimanche 24 septembre 2017

Fracassée


    J'ai sur mon bureau, depuis près de deux ans, une petite statuette de la Victoire. LA Victoire, la grande, la sublime. La Victoire de Samothrace. Je l'ai achetée au Louvre, la fois où nous y sommes allés deux dimanches de suite - certes, c'est à 250 kilomètres de chez nous, mais les circonstances… La première fois, mon homme s'est fait arrêter au portique d'entrée car la sonnerie a révélé la présence d'un objet illicite dans sa pochette : oups. Son vieux Laguiole. Oublié là car ne servant presque jamais. En repartant, le guichet de la Porte des Lions venait de fermer et il était trop tard pour récupérer l'objet. Un objet qu'il possède depuis plusieurs décennies… ennuyeux… Et nous nous sommes dit : Pourquoi ne pas revenir ? c'était au mois d'août. Il faisait beau. Mon grand voulait qu'on aille "voir les os" (le musée de paléontologie au Jardin des Plantes), il avait aperçu les squelettes à travers les vitres, on n'avait pas eu le temps.
    On y était retourné. J'avais fomenté l'achat de cette statuette pendant la semaine, car la Victoire, ah…. j'en parlerai une autre fois peut-être. Quelle oeuvre.
    J'avais décidé que 2016 serait L'Année de la Victoire. Elle trônerait sur mon bureau, elle guiderait ma vie. J'avais élaboré un planning de 60 lectures pour l'année et autres projets pharaoniques - en fait, non, je lis une centaine de livres par an les bons crus, simplement en avoir une partie à titres imposés c'est sous-estimer ma capacité à vouloir lire mille autres choses en même temps et en plus. 
    J'avais décidé que ce serait une année sans achat, pour reproduire l'expérience de 2012. 
    Au bout de quelques semaines, ma Victoire s'est fracassée. J'ai oublié les circonstances. Je la vois juste écrasée au sol, les ailes brisées.
    Au moins, rien à craindre pour la tête. Soyons positif.
    Quand même, ça avait tout du mauvais présage. J'aurais pu craindre, protester. J'ai refusé. Quoi ? Victoire brisée ? recollons les ailes ! Replaçons-là au même endroit, oui, là, dans l'angle ! même pas peur !
    Les traces de casse étaient quasi indétectables. Cette année 2016, je suis tombée enceinte, mon petit-dernier-espéré-à-peine-rêvé est arrivé, et j'ai lu tous les livres de ma liste (avec un rythme frénétique fin décembre, pour boucler, mais bon).
    
    Ce matin, à nouveau, elle a chuté. Par ma faute ! je cherchais un post-it dans la trappe du bureau, d'habitude, du bout des doigts je trouve sans problème. C'est qu'on regarde un épisode des Mystérieuses Cités d'Or chaque dimanche (l'ancienne version, d'époque, celle devant laquelle je rêvais au monde inca) et on ne se souvient jamais du numéro d'épisode où on en est. En soulevant la trappe, l'ordinateur de la-copine-du-grand a légèrement glissé, poussé la Victoire qui, à nouveau, en a perdu ses ailes. J'ai pesté. Fort. C'était ma faute, j'aurais dû anticiper le mouvement.

    Et puis après tout. Je vais réparer, encore une fois. Ce sera parfait, ou pas. Ce sera ma victoire quand même. Alors oui, j'ai accumulé un retard non négligeable sur mon planning de lecture… je l'ai laissé tomber cette année, soyons claire. Je voulais lire tout Zola, non, tous les Rougon-Macquart. Je suis enlisée dans La Faute de l'Abbé Mouret, détournée par mille autres gourmandises à lire. Très bien, La Recluse, d'ailleurs. Retrouver les personnages de Vargas, Adamsberg, Retancourt, Danglard… et d'autres. C'est un des quinze livres que j'ai entamés en ce moment.

    Je refuse les mauvais présages. Ils sont abdications. Après tout, ce rhume, je ne l'ai jamais récupéré ! au bout de dix jours je me permets d'être optimiste. 

    Alors cette Victoire, je vais la recoller. Et puis j'ai de la compote à faire pour mon bébé, les pommes du jardin, véreuses, bonnes mais abîmées, sauf un petit arbre, là-bas, au fond, qui résiste. Mon pote immunitaire.

    Compote ! Victoire ! Dimanche !

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