mardi 24 avril 2018

Messagerie

     J'ai tendance à consulter ma messagerie souvent. Trop souvent en proportion du nombre de messages que j'y reçois. Disons, une dizaine de fois par jour à la maison, un peu plus au travail ? Bon, ça va. Je ne suis pas frénétiquement cramponnée aux messages. Au travail comme ce matin, c'est surtout une recherche opportuniste de divertissement facile et en (presque) bonne conscience, quand je m'ennuie, en plein milieu d'une tâche désagréable (exemple au milieu de cette rédaction de brevet blanc carrément hors sujet et avec cinq erreurs par ligne au bas mot).
     Bon. Admettons. J'aime bien découvrir un nouveau message. Même si ce n'est pas quelque chose de transcendant huit fois sur dix (une pub, un document du travail). 

     J'ai trouvé une solution simple et efficace pour que ma messagerie ne gonfle pas en volume et pour réguler ma consultation de mails en douceur. Non. Pas une solution simple. Une solution plus-simple-tu-meurs.

     A chaque fois que j'ouvre ma messagerie, je m'oblige à éliminer au minimum un mail.

     Effets directs :

- j'en laisse stagner beaucoup moins
- comme je me suis désabonnée de nombreuses newsletters et en reçois peu, je réfléchis à deux fois quand j'ouvre Gmail, parce qu'il me faudra peut-être détruire un de ces messages des quelques blogs que je VEUX lire, dont je reçois les messages mais dont je repousse la lecture car très longs et en anglais. Mais bien. Sachant cela, si je n'ai pas cinq vraies minutes devant moi, j'évite carrément de consulter mes mails.

     Voilà qui ne s'appelle pas inventer l'eau chaude mais depuis que j'ai adopté ce principe, j'ai largement diminué l'avalanche des messages !

mercredi 18 avril 2018

Télévision

     Il est 14h et j'ai déjà regardé environ trois programmes à la télévision.
     Je n'en suis ni fière ni honteuse. La télévision n'est ni bonne, ni mauvaise : elle est ce qu'on en fait et ce qu'on y prend. J'y déteste les jeux, les pubs, j'aime y voir des reportages, des télécrochets, je suis assez standard, probablement.
     N'essayez pas de me culpabiliser : "Oh, moi la télé je ne la regarde jamais" "je n'en ai pas", "c'est mauvais pour les enfants". Je m'en sers pour me divertir, apprendre, découvrir, m'abrutir souvent et ça marche très bien d'ailleurs. Mais personne ne m'oblige à l'allumer. Je suis sûrement capable de m'abrutir sans (même si, à l'évidence, en lisant du Kant, l'abrutissement tourne plus vite à l'assoupissement ce qui n'est pas plus mal pour le sommeil).

     Journée un peu spéciale. Seule à la maison, avec un petit ce matin, deux petits depuis la sortie de l'école. Mon "moyen", quatre ans et demi, râleur, chouineur, rieur, casse-pieds et adorable, est parti ce matin en classe de mer. Il laisse un vide. Un calme inhabituel. Ce matin j'ai décidé de commencer fort. Attention journée spécial M6, une chaîne qui m'évite de trop réfléchir…encore que, là aussi, on peut toujours !

- en replay, Enquête exclusive de dimanche dernier sur les ultras riches. Je suis souvent touchée par les reportages sur les gens pauvres, et j'aime aussi regarder les reportages sur les gens très riches, comme une curiosité ethnographique. Souvent très amusant. Pas du tout tentant. Pas plus qu'on ne va en Birmanie pour y vivre, mais juste pour visiter, quoi. Cependant, aujourd'hui, j'ai calé très tôt. Pas amusant du tout. Un magnat de la mode partait en jet privé avec une douzaine de top models fort russes et fort dévêtues. Ah oui ? C'est à ça que sert la richesse ? L'une d'elles se dandinait poitrine nue sur de la musique. La frugale qui sommeille en moi s'est immédiatement dit : attends… même fauchée je pourrais le faire…. quand à le faire faire à quelqu'un devant moi, soit ça exige du fric et c'est donc du commerce, soit quelqu'un t'aime beaucoup et le fait gratis, ça s'appelle de l'amour… la solution la plus économique est aussi la plus belle. Elle témoignait ensuite au micro : "Le ciel bleu ! le soleil ! regardez ! " . Le rêve quoi ! devinez quoi ? Là en ce moment, dans ma campagne : le ciel bleu. Le soleil. Le rêve à domicile. 
     Tout ceci me fait sourire. Tant de naïveté. Pourquoi nous montre-t-on toujours des riches écervelés? Est-on obligé d'être stupide au-delà du premier million d'euros ? est-ce qu'on est obligé de s'acheter du caviar ou on a encore droit aux pommes bio du marché d'à côté ? Ces gens-là étaient-ils plus futés avant d'avoir tout ce fric ? Sur ce point je suis totalement d'accord avec T. Harv Eker : devenir riche ne vous rend ni pire ni meilleur. ça ne fait qu'accentuer ce que vous êtes déjà. 
     Echec, donc. Frustration. J'ai jeté l'éponge au bout de dix minutes et trois accélérations vaines (eh non, le yacht ne me tente pas plus que le jet, vraiment).

- en replay toujours, Recherche appartement ou maison. Celui d'hier soir. Je suis très fan des émissions mainstream de ce genre, j'adore visiter virtuellement des maisons, et tout ce que ça dit aussi de la psychologie humaine. Sous couvert de rationnel (je veux deux chambres car on a un enfant), se joue tout autre chose (en fait je veux de l'ancien, mais non, mais si, mais pas ce quartier, mais ici c'est pile comme j'ai demandé mais j'aime pas). Même à distance on repère d'un coup d'oeil les endroits où on se verrait vivre, ceux qu'on n'envisage même pas. On repère son nid. Alors oui, c'est très gentillet, facile, cliché, etc, mais je préfère les projets maison avec budget que le champagne à gogo. Peut-être un côté "paysan bourgeois terroir", chez moi. Sûrement. 

- et enfin, décidément M6 est notre amie aujourd'hui, E=M6 en replay avec mon fils ce midi. Il a sept ans et est FAN de cette émission, courte, facile d'abord, intelligente et à la fois pédagogique sans être trop creuse (oui, les enfants entendent des termes comme polymères et réticulaire; ils oublient peut-être mais on les confronte à des notions). Le thème du jour : les jeux à la mode du genre billes hydrophiles (ça existe ???) et sable magique. Carton plein pour ce dernier sujet : j'en ai déjà vu en boutique, jamais acheté, bien qu'une amie m'ait dit que les enfants adoraient. Je n'aime pas trop investir dans les loisirs créatifs. Toujours une impression de gâchis : ça coûte des sous, ça en met partout, ça te fabrique à la fin un truc moche que tu es obligée de garder sinon les enfants pleurent, à moins qu'ils n'aient pas aimé du tout et la boîte reste dans un coin. Bref ! Et là, solution : l'émission te donne une recette maison pour le sable magique. Génial ! hyper simple. Re-génial ! :
- une dose d'huile
- cinq doses de farine.
Actuellement, au rez-de-chaussée, mon fils est donc en train de jouer au sable magique. On a pu faire ça spontanément, sans matériel spécial, il a sorti les outils de pâte à modeler pour compléter. Bonus :
- composition bio (je n'ai que de la farine et de l'huile bio, sinon on aurait liquidé l'autre, à vrai dire)
- ça nourrit la table en bois sur laquelle il joue et que je suis obligée de passer à l'huile de temps en temps (j'aurai juste à la frotter partout avec une boulette de pâte ! pratique !)
- quand la pâte aura fait son temps, on pourra toujours la lancer dans l'enclos des poules. Farine, huile… elles s'en délecteront.
Et un petit garçon ravi : on lit le livre des Zenfants zéro déchet en ce moment et il est content de trouver des solutions probantes !
      
     Ceci étant dit, passons à mes livres sacrés, parce que les écrans, ça va bien un temps !

lundi 16 avril 2018

Embusqués

     On ne peut pas, toujours, activement se souvenir de tout. Ou alors au prix d'un effort épuisant. Ou alors pas moi. Je préfère quand c'est indolore. A choisir…pour un résultat identique…
     La technique que j'adopte, souvent, est de placer les objets sur mon passage. Je dois faire des photocopies, au travail ? Sur mon bureau, je pose ma carte sur mon jeu de clés. En sortant je prendrai forcément les clés, je verrai forcément la carte. A la maison, même technique : 
      Le panier "des poules". Un petit panier qui sert à aller ramasser les oeufs et que je n'ai plus jamais besoin de prendre, d'ailleurs, depuis que le renard nous a mangé cinq des sept poules. Passons. Ce panier est associé à elles dans notre esprit. Sa place est derrière la porte, pendu à un crochet. Dorénavant nous renfermons les deux survivantes dans leur poulailler chaque soir (rapport au renard…). Tant que le panier traîne sur ce coin de meuble, hors de sa place, nous savons qu'il faut aller le faire. Il y a toujours un moment le soir où nos yeux tombent dessus (bon…à 21h30 hier. Mieux vaut tard que jamais).
     

     Les repas. En bas, le sac à langer de mon fils, surmonté d'une pochette plus ou moins isotherme qui contiendra son déjeuner. (On l'a eue en cadeau dans je ne sais quelle manifestation sportive, et la blague c'est que je ne suis pas sûre d'avoir jamais acheté d'Orangina dans ma vie). Au-dessus le sac qui me sert à apporter mon déjeuner au travail. Je n'oublie jamais les repas car ces sacs restent "pendus" à la poignée du frigo, du congélateur plus exactement, les matins où on doit les prendre, et franchement, c'est juste impossible de les louper. Impossible.
     Ce sac à langer, et tous les sacs d'ailleurs, finissent toujours sur le siège passager de ma voiture, à l'avant. Toujours. Je me souviens de ces accidents de bébés oubliés dans les voitures par grande canicule, de ces drames. Je me souviens m'être dit : ça pourrait tellement arriver à n'importe qui. Ne compte pas seulement sur ta mémoire. Rends l'accident impossible. A présent, j'ai toujours sur le siège, avec mon sac à main, mon sac à pique-nique, mon sac de travail (bon, au pied du siège pour ce dernier sinon on manque de place, il faudrait un canapé), le sac à langer et les sacs d'école. Même si un des enfants s'endormait en voiture, même si je prenais le chemin du travail, même si… au moment de descendre de voiture je verrais le sac, l'anomalie, je saurais. Un des avantages de ne pas pouvoir covoiturer. On va dire.

dimanche 15 avril 2018

Rush

Pourtant, j'en ai, du temps.
Tout un week - end de trois jours.

Oui mais voilà : deux jours et demi avec 3 enfants non stop et un conjoint, signifient zéro chance ou presque de faire quoi que ce soit sans être interrompue une/deux/cinq fois. Même remplir le pot à farine, j'ai dû m'y reprendre à trois fois. Ajoutez à ça un esprit qui empile tout et pense à tout en mélange, vous obtenez une sorte de Shiva,  une action entamée par bras, bien peu finies.

Je m'épuise !

mon motto : une chose à la fois. Je voulais le faire en janvier,  j'ai pris le temps,  mais les habitudes sont dures à rectifier.

Et parfois je fois m'arrêter et prononcer à haute voix : J'épluche les carottes. Ça m'aide à prendre la minute suivante à ne faire qu'éplucher les carottes.

Oui. Je sais. C'est peut - être grave pathétique idiot. Mais là on parle de celle qui lit dans son bain et entame quinze livres de front.  (Oui. Quinze. En vrai).

lundi 9 avril 2018

Intolérante

     Parfois, je me dis que je suis pénible.
     Tant pis. C'est comme ça. 

     Passer le week-end à dire aux enfants de faire moins de bruit, de parler moins fort, de ne pas crier. Finir par le leur crier en absurdité totale.

     Intolérante au bruit.

     M'énerver contre l'homme qui critique le fait que le petit est dans le bureau, oui mais je devais transporter la poêle de la cuisine au poêle à bois, et ne peux pas le faire avec la barrière fermée, ni laisser le bébé en haut des petites marches, en bas c'est toujours moins dangereux. Lui, il ne fait que passer, il s'en fout, il part au tai chi, il ne s'occupe pas du dîner. Et comme je ne supporte pas d'expliquer, de répéter, je l'envoie bouler. Et je suis encore énervée.

     Intolérante à devoir m'expliquer. 

     Je suis peut-être insupportable ?

     Peut-être.

     On dira qu'en prendre conscience est un début. Ou une fin. Ou rien !

mercredi 4 avril 2018

Crêpe

     L'aliment le plus anodin qui soit en France. Celui de moments en famille, sereins, partagés, parce, bien sûr, on fait des crêpes pour plusieurs. Et puis hier matin deux collègues me racontent l'histoire de ce petit garçon mort d'avoir mangé une crêpe.
     Insoutenable.
     Ce qui s'est passé est absolument insoutenable. Pour ce pauvre petit garçon de six ans, qui avait la vie devant lui. Pour ses parents, sa mère qui le voit mourir dans ses bras suite à une simple erreur. Pour son enseignante qui fait un geste anodin, amical même, probablement dans un moment de distraction (proposer une crêpe à un enfant qui reste peut-être en retrait, pendant un carnaval), du moins pour quelle autre raison ? Pour tout l'entourage, la famille, l'école, tout le monde. 

     Les parents accusent la maîtresse. Ils ont raison. Non parce qu'elle est coupable, mais parce qu'ils n'ont rien d'autre à faire pour l'instant. Seule la colère peut leur donner un semblant d'action. Parce qu'il n'y a plus rien d'autre à faire. Parce que la seule chose à faire dans cette histoire est d'exprimer sa rage. Si ce petit garçon s'en était sorti, auraient-ils seulement fait un procès à la maîtresse? J'en doute. Ce n'est pas ça qui est en question.

     Et puis, cette étape passera et le chagrin sera là, dense, palpable. J'ai la chance de ne pas connaître ça. Je ne sais pas de quoi je parle. Pourvu que ça dure et pourvu que ça dure pour le plus grand nombre possible de gens.

     Mais je suis prof, aussi. Et je repense à cette maîtresse. Je m'imagine bien dans sa tête. Un moment d'égarement, d'oubli, on en a tous, non ? On part chercher quelque chose dans la pièce d'à côté, on ne sait plus quoi. On pose un objet, mais où déjà ? On laisse déborder une casserole alors que… Je ne cherche pas à la défendre, ne sachant rien de ce qui s'est passé de toute façon, et puis c'est à la justice de trancher. Mais honnêtement. On a tous des distractions. Je l'imagine, voyant cet enfant un peu en marge pendant une fête, lui proposant quelque chose, comme ça, spontanément, sans réfléchir, parce qu'en fin de journée parfois la tête bourdonne surtout avec des tout-petits et on a mille sollicitations à la fois. Et puis ce malentendu, ce petit bonhomme qui en mange des crêpes à la maison, qui se dit que si maîtresse lui propose c'est qu'il a le droit, cette confiance. Mais maîtresse s'est trompée. 

     Ce terrible quiproquo.

     Je sais ce que je penserais à sa place. Je me rejouerais la scène mille fois. Je prierais pour que quelque chose, n'importe quoi, soit venu s'interposer entre cette foutue crêpe et ce petit élève. Je me maudirais, me demanderais comment ça a pu se produire, comment j'ai pu oublier, je me traiterais de tous les noms, même pas, trop abattue, je me dirais que la base de mon métier est de les rendre vivants à leurs parents le soir et que même ça j'ai pas réussi. Et je serais triste au-delà des mots, coupable au-delà de l'imaginable. Tuer par erreur. Tuer un enfant. Je compatis sincèrement avec elle parce que ce qui s'est produit est trop horrible pour que ça puisse exister. Et qu'on n'est jamais si loin que ça de l'erreur. On a surtout beaucoup de chance que peu de nos erreurs deviennent fatales.

     Il y a deux ans j'étais prof principal d'un élève allergique à l'arachide. J'avoue ma lâcheté : j'ai été soulagée quand l'année s'est finie, en me disant que voilà, je n'étais plus le-prof-de-référence-qui-devait-réagir-en-cas-d'urgence. En même temps soyons clair, au collège on n'est jamais seul, il y a les collègues, les AED, une infirmière la moitié du temps, en cas d'urgence une seringue attendait à la vie scolaire. 

     Le type de seringue qui aurait peut-être sauvé ce petit garçon si…

     Mon élève avait 13 ans et davantage l'âge de mesurer, de se protéger. Mon année à moi s'est terminée. Celle de ses parents, la sienne, jamais. L'allergie est toujours là, avec sa menace profonde. L'année d'avant il s'était senti mal en cours. Il n'avait rien mangé d'interdit. D'autres personnes avaient mangé quelque chose à base de cacahuète et la simple odeur commençait à le faire réagir. Imaginez. Imaginez se prémunir de ça. Comment font les allergiques pour traverser toute une existence sans accident? Cela paraît incroyable.

     Et à présent on fait quoi ?
     On est pragmatique.
     On préconise pour chaque enfant allergique aussi gravement un stylo seringue dans ses affaires, à portée de main, dans la voiture, à la maison, proche de là où il est, à l'école. Mais aussi, mais surtout, on forme les personnes qui ont affaire à lui. On nous a montré la seringue, cette année-là. J'ai juste prié pour ne jamais devoir l'utiliser. Je ne me suis pas sentie apte. Moi je crois qu'il faudrait fabriquer des stylos-seringues "à blanc" et nous faire les manipuler contre, je ne sais pas, un carré de mousse, n'importe quoi. Ce n'est pas quand on est en pleine urgence vitale qu'on a le temps de lire le mode d'emploi. Je me dis qu'entre cette crêpe et l'arrivée des pompiers, si ce stylo était intervenu, peut-être… peut-être.

    Que ce petit garçon serait aussi anonyme qu'avant. En train de dormir dans son lit.
     Que cette mère aurait passé un week-end serein à le voir chercher des oeufs en chocolat sans lait.
     Que cette maîtresse, peut-être mère de famille, n'aurait pas vécu le pire moment de toute son existence.
     Que ce serait réparable.