dimanche 30 décembre 2018

Eau

     Une des résolutions les plus communes pour la nouvelle année, et un peu tout le temps d'ailleurs, est de boire plus d'eau. Amusant, non ? Je m'inclus totalement dans le lot. Sans en faire une obsession, force est de constater que spontanément je bois peu, très peu (sauf des boissons chaudes, mais le café, à force, ça dessèche un peu…). 

     Alors pourquoi ne pas suivre sa nature spontanée ? 

     Que se cache-t-il derrière cette résolution, c'est-à-dire cette envie moralement conforme et apparemment pas suivie, donc une envie de faire bien plutôt qu'une envie de faire ? 

      C'est comme si on admettait fauter. Qui s'est déjà trouvé déshydraté faute de boire ? Franchement ? Cela n'arrive quasiment jamais. Pourquoi faudrait-il se forcer à faire quelque chose dont on ne ressent pas le besoin ?

     Une amie me disait : "Il faudrait vraiment que je boive plus". Elle en ressent la nécessité, du moins, ce doit être de cette sorte de chose dont on se dit : si ça se trouve, ça me ferait du bien, ça ferait la différence. Je lui ai donné le truc entendu dans une vidéo de Lucien Roy, qui m'a bien fait rire puisqu'il a testé plusieurs applications pour évaluer la consommation quotidienne d'eau et en a déduit que le plus simple, c'est de boire un verre d'eau à chaque fois qu'on va aux toilettes. Simple, efficace. Bon petit. Le bon sens, ça me parle. Je vois parfois passer des pages de bullet journal avec des cases à cocher pour le nombre de verres bus, chaque jour, et ça me laisse rêveuse. Si vous faites cela, alleluia, loin de mes pensées toute critique. Bravo, même. Mais si je suis trop flemmarde pour boire un verre d'eau (parce qu'on en est là), vous imaginez que je suis encore plus flemmarde pour cocher TOUS LES JOURS des petites gouttes et COMPTER combien j'ai bu. NO WAY. Faire simple, voilà ce qui me va.

     Je suspecte une valeur morale dans tout ça. Comme un reliquat du baptême, comme une tentative de se laver de ses péchés, de lessiver nos excès (…voilà qui est bien naïf, au passage, si ma tranche de foie gras d'hier était soluble dans mon verre d'aujourd'hui, c'est que mon métabolisme serait étrange). Je trouve ça joli aussi, quand même. Cette envie de bien faire. 

     Alors, au final, pourquoi me rendre coupable de la même tentation et ferai-je partie des innombrables à dire que je veux boire plus d'eau / faire plus de sport, pour abandonner deux jours après ?

     Disons que parfois, mon excès de café ne me semble pas sain - pas sur le plan théorique, mais physiquement. Je sens bien que rincer tout ça ne serait pas du luxe. Autre point : j'ai la peau très sèche, maladivement, de l'ordre de l'ichtyose, et boire peu n'aide probablement pas ; en tout cas essayer un temps, pour voir si ça fait une différence, pourrait aider.

      Donc, oui. Je vais essayer. Me fixer l'objectif d'une période d'essai scientifique. Et surtout m'autoriser à laisser tomber si je constate que ça ne sert à rien.

       En attendant, mon petit garçon de deux ans se réveille parfois la nuit, et j'ai pris l'habitude de lui faire boire un peu d'eau. Maintenant, il réclame "Boir' l'eau", boit une gorgée et se rendort tranquillement. J'aime l'eau comme médicament. Si c'est le seul somnifère dont il a besoin dans sa vie, il n'en sera jamais à court. Et c'est déjà notre placebo numéro 1 (placeleau?) : tu as mal à la tête ? Bois un peau d'eau. Tu t'es cogné ? on va frotter avec un peu d'eau froide. Cela marche souvent car 1) ça ne peut jamais faire de mal 2) ça rafraîchit un peu 3) un peu d'attention est souvent le premier remède nécessaire.

         

mercredi 26 décembre 2018

Bas-de-laine

     A l'ouverture des cadeaux hier, mes beaux-fils (19 et 22 ans) se sont marrés. Je leur avais concocté, dans une caissette en bois, un semainier de chaussettes : six paires de Nike noires pour l'un, six paires de Puma pour l'autre, noires aussi. Je précise que 

- cela peut sembler un cadeau pourri (effet voulu) mais c'est un running gag dans la maison : l'un des deux finit toujours par crier "Eh ! t'aurais pas vu mes chaussettes ? pourquoi j'en ai plus ?" en explorant l'égouttoir à linge.

- ils sont en STAPS et font du sport tout le temps, d'où la tendance marque de sport (et, espoir, chaussettes qui tiennent un peu plus longtemps le coup?)

- la couleur noire est apparue comme une valeur sûre à leur adolescence. Ils portaient des chaussettes blanches qui restaient toujours grises, effet crade inclus. Depuis le noir, ils ont des chaussettes impeccables… et j'ai fait pareil. Parce que j'ai des paires de chaussures qui tachent les chaussettes, et c'est lassant, à force.

  Il y avait en plus deux paires fantaisies pour le dimanche, et une encoche, marquée "Bas-de-laine", contenant une mini chaussette de leur petit frère et un billet.

     Et là, surprise : aucun des deux ne savait ce que signifiait "bas-de-laine". Pourtant ils ne sont pas incultes ! J'en conclus donc que l'expression a disparu avant leur génération (et comme aucun des deux ne lit, vilains garnements, ils ne risquent pas tellement de la recroiser). Noël leur aura au moins appris un mot.

     Contraste marquant avec mon père. Il a toujours des histoires à raconter, et je connais finalement assez mal sa vie, ou plutôt, oui dans les grandes lignes, mais pas les petits détails qui donnent de l'intérêt. Pour Noël je lui ai donc offert ça :




     Ce n'est pas un cadeau adapté à tout le monde. Il faut aimer se souvenir du passé, aimer le raconter, trouver que ça ait de l'importance et être assez à l'aise à l'écrit. Mon père coche toutes les cases : même s'il a arrêté le collège en 6e parce qu'un prof le tabassait (il a 80 ans et sa génération n'a pas eu nos conditions d'enseignement), il aime assez écrire, bien que l'ayant peu fait. Bref: voilà une piste pour récolter les anecdotes qui lui viennent, et dans lesquelles je mélange trop les membres de la famille, on s'y perd.

     Et il m'a parlé, pour la millième fois, de la succession, parce que "quand je casserai ma pipe, tu comprends…". Il a fait une donation partage de sa maison entre mes fils et moi, il y a quelques années. Mais le petit dernier n'était pas né, et il devait penser que nous aurions deux enfants, point final. Depuis que mon petit poussin à bouclettes blondes est là, la donne change. Il veut trouver comment lui transmettre un héritage à lui aussi. Il a des comptes ouverts par-ci, par là, je suis toujours surprise de ce qu'il m'annonce. Remettons en contexte : il a été ouvrier agricole une partie de sa vie, chez ses parents, contre sûrement très maigre salaire, et non déclaré par son père. De guerre lasse il est parti à la ville, comme ouvrier en usine, et a dû travailler 17 ans avant une préretraite. Un salaire minimal donc, sur lequel nous avons vécu à quatre toutes ces années. Dans mon quotidien, dans mes fringues, dans mon mode de vie, tout nous a dit que nous étions pauvres, quand j'étais petite. Je me sentais vraiment à part. Sauf que mes parents n'étaient pas inquiets de payer les factures ou ne semblaient pas se trouver en marge. Ils trouvaient juste normal de ne jamais rien acheter, d'avoir quatre pulls en tout, de prendre un bain une seule fois par semaine parce que l'eau c'est cher et il ne faut pas gaspiller (oui… l'hygiène du XIXe siècle, j'ai connu), de manger du pain rassis parce que le pain frais on en mangerait trop… Bref.
     La vérité c'est qu'ils ont été élevés comme ça, à l'extrême. On explose le concept de frugalité, là. C'est le jeu de celui qui vit avec le moins. Toute la famille a vécu comme ça au fond de la campagne. Beaucoup le faisaient, ceux qui avaient connu les guerres. Voilà comment mon grand-oncle Arthur, le vieux monsieur sans enfant dont je me souviens un peu, mort quand j'avais huit ou neuf ans, a légué à mon père de l'argent, comme à ses frères et soeurs. Je n'en savais rien. D'après mes déductions, il a dû donner l'équivalent de 50 000e en argent, en tout. Or cet homme vivait de rien. De rien. Avec sa femme, le frère de sa femme, sans enfants. Ils ont cuisiné ce qui poussait dans leur jardin. Acheté un vêtement pour dix ans d'usage quotidien, peut-être, et encore, je sous-estime. Acheter ne faisait pas partie de leur vie. On faisait du feu dans la pièce principale, c'est tout. Et pas trop, parfois "un feu de femme veuve", parce qu'il ne faut pas gâcher le bois.
     Je ne veux pas vivre comme ça. Il y a trop de peur et d'irrationnel dans ce mode de vie. Mais il y en a tout autant dans le nôtre, et je considère ces particularités comme une curiosité ethnographique qui a beaucoup à m'apprendre. Leur bas-de-laine, il n'était pas question d'y toucher. Pourquoi ? Ils n'avaient pas d'enfant. Personne d'immédiat à qui léguer. Pas de dettes, la bonne blague, jamais emprunté un pain ou un oeuf de leur vie. Alors ? Pourquoi ? Par principe, je pense. Pour l'honneur. Ils auraient sûrement trouvé inconvenant de "manger" leurs économies. 
     Je respecte tout cela et ai l'impression d'être la première génération à vivre la consommation libre et…forcée, incitée. Si mes aïeux débarquaient dans notre vie, ils ne comprendraient pas. Le monde n'est plus le même. Tant pis, tant mieux. C'est ainsi. Mais je voudrais trouver ce qu'ils n'ont jamais eu le loisir ni même le souci de chercher : un juste équilibre. La vraie frugalité, à mon sens : celle où tu savoures le goût de chaque fruit, un à un. J'en suis encore loin, sûrement. Mais je suis héritière de tout un monde et les pièces du puzzle s'assemblent étrangement. 
     Je veux essayer.
     Et bien sûr, à la naissance de chacun de mes enfants, je leur ai immédiatement ouvert un compte d'épargne. Le bas-de-laine, encore.

mercredi 19 décembre 2018

Lutrin

     Vendredi dernier, au travail, j'ai bricolé un lutrin avec deux couvercles de boîtes à papier blanc. On a des cartons régulièrement, près des photocopieuses, qui sont une source fiable de DIY plus ou moins inspiré. 
     Et justement, l'autre jour, j'ai constaté que malgré mes efforts d'organisation au travail (un petit tiroir par classe, un bullet journal, une mini trousse à côté de la grosse trousse à matériel…) mon bureau était vite bordélique en présence des élèves. On pose les choses au plus vite, et je trouve ça désagréable, visuellement, trop brouillon. 
     Me voilà donc décidée à me fabriquer une simple bannette… et puis finalement, non, un lutrin. Le principe du lutrin (…qui n'est pas un petit être de Noël) est de permettre de poser un livre ouvert, en position inclinée. Mon idée était de rassembler en un seul spot mon bullet journal, ma trousse, mes clés, mon chronomètre (qui me sert tout le temps, enfin on en parlera une autre fois peut-être).
     Niveau décor il fallait masquer les imprimés moches de la boîte mais rester assez sobre, d'autant que je ne peux imprimer qu'en noir et blanc au travail, de toute façon.

Ce qui donne : 
  La chose, vide et de profil

La chose avec cahier et trousse qui traîne

(Je n'ai pas fait signer de droit à l'image à la chaise, mais normalement ses parents ne porteront pas plainte).

     Ce n'est qu'un détail, mais les objets concentrés en un seul endroit font tout de suite moins bordéliques.

      Ce matin après mon cours, j'avais prévu de rester travailler un peu, et cela s'est mué en glande absolue. Je suis restée absorbée par une vidéo qui illustre tout ce qu'on peut faire d'incroyable avec un stylo noir et pas mal de talent, et qui est  à mille lieues de ce que je me sens apte à faire. Je n'en demande même pas tant, un cahier beau comme une oeuvre d'art prendrait trop de temps pour ce que j'en ferais, malgré tout c'est toujours parlant et inspirant, pour le plaisir des yeux… J'adore la présentation en creux de l'année "2019", et ça, j'essaierai (avec un truc plus basique, du genre géométrique, parce que je dessine si mal que tout élève se trouve décomplexé face à moi). 

mercredi 12 décembre 2018

Trop

     J'aime beaucoup l'expression anglaise : you have too much on your plate. Tu en as trop dans l'assiette, ça déborde. Voilà une image qui me parle. Et là, clairement, je suis installée depuis trois minutes dans mon lit et heureusement car mon assiette débordait.

     Bon, après, restons lucide. Je vis une vie confortable d'occidentale surnourrie. Tout va bien et rien de grave. La fatigue ordinaire, voilà. Ce matin, préparer les trois enfants avec mon homme car pour une fois, il travaille toute la journée (au lieu de l'après-midi seulement). Il les a déposés chez la nounou. J'ai eu, avant de partir moi aussi, un quart d'heure seule à la maison. Alleluia ! J'en ai profité pour nettoyer le tapis du salon, aspirateur, bicarbonate, brosse, aspirateur, nettoyeur vapeur, mais le résultat reste peu concluant, je vais chercher d'autres techniques. A grande eau, ça me semble compromis.

     Bref, suite à ça : départ pour le travail, trajet en écoutant de la musique, aller poser mes sacs dans ma salle, allumer l'ordinateur, ouvrir les volets, passer voir une collègue-amie à l'étage du dessous puis remonter, au travail. Préparer le planning du matin, un document à lancer à l'impression, un deuxième qui plante et que je recommence, redescendre imprimer en recto-verso inversé puis, pour le petit document, en 3x3x5, deux fois, et tout massicoter. Remonter, sonnerie, cours, récréation, recours, passons. Rentrer avec une collègue, la déposer, aller chercher les enfants, mettre sur la table le déjeuner express (crudités qui restaient, raviolis en boîte, pour la 1e fois depuis quoi, quinze ans ? mais comme ils en mangent à la cantine ça ne les a même pas étonnés). Et puis, coucher le petit à la fin du déjeuner (…après décontamination de la sauce tomate sur les mains, le visage, le pantalon).

    Pause, enfin !

    Ah non. D'abord, des amies viennent et je VOULAIS faire mon crumble poire-chocolat. Et deux ou trois bricoles. Entre 13h15 et 15h j'ai donc eu au programme :

- laver un bavoir et un pantalon en urgence
- faire du feu
- nourrir les poules
- étendre le linge
- préparer le crumble
- aider l'aîné qui faisait ses devoirs (…et ne pas comprendre comment il arrive à faire une addition de huit nombres de tête, moi, j'y arrive pas)
- faire un peu de vaisselle
- tiens, finir de déjeuner, au fait
- débarrasser et nettoyer la table
- aller vérifier la boîte à lettres

… rien de bien méchant. Mais je me suis retrouvée à ne plus savoir par quoi commencer, perdue dans mes priorités, sans compter le petit deuxième qui voulait me demander quelque chose toutes les trois minutes. Je confirme donc totalement ce que dit Cal Newport dans son livre Deep Work : être interrompue tout le temps, c'est la mort de l'efficacité, et s'interrompre soi-même aussi d'ailleurs. Source immense de stress et de découragement. Faire une chose à la fois, jusqu'au bout, c'est la seule méthode qui vaille, je le sais bien, et pourtant… du mal. Peur d'oublier, de ne pas avancer.

     Moralité, je vais faire une petite sieste, moi, parce que je me sens fatiguée !

mercredi 5 décembre 2018

Pause

     Dans une demi-heure, j'ai une visioconférence en ligne, avec le réalisateur du film A voix haute, sur l'éloquence. Créneau idéal : le petit est couché, les grands jouent en bas, je dois pouvoir suivre normalement les débats. 

     Quoi de neuf ? De la fatigue. La normale, naturelle de l'entrée dans l'hiver, entre bulletins, réunions et frénésie en tous lieux.

      De bonnes choses aussi. Le calendrier de l'Avent partagé avec deux amies et collègues, chacune a composé 8 enveloppes, nous en avons ouvert 5 et c'est à chaque fois plaisant, agréable de voir que nos esprits s'amusent ou se rencontrent. Hier, une réunion au travail pour envisager de réaménager la salle des personnels, l'idée de déplacer les casiers et paf ! ce matin c'était fait. Parole, action. Voilà de l'efficacité. Le changement fait du bien, même s'il fait toujours gronder certains, mais bon, on s'habitue à tout, non ?

     Des réflexions aussi. 2019 sera l'année où je mettrai au point mon plan d'indépendance financière. Les initiales font PIF, amusant mais pas très sérieux… je préfère FIRE, comme sur les blogs américains ou canadiens : Fire Independence, Retire Early.

     L'idée étant la suivante : si vous épargnez suffisamment et accumulez assez, vous pouvez ne plus être obligé de travailler (donc, être rentier) bien plus tôt que l'âge légal. Idée qui me séduit forcément puisque 

1) j'ai toujours eu conscience que le temps est autrement plus précieux que l'argent. Le temps, ou la seule denrée non renouvelable de notre vie…

2) quand bien même je travaillerais jusqu'à mes vieux jours, je trouverais dommage de tout dilapider sans réfléchir, comme la société de consommation nous enjoint de le faire (et ça nous arrange bien) alors que d'autres, avec la même somme, se constituent un patrimoine. Je préfère laisser à mes enfants une petite fortune qu'un gros tas d'objets démodés. Par ailleurs, cela implique de vivre quand même sobrement, du moins en dépensant en conscience, ce qui est précisément mon but. Et puis quoi, plus le défi est dur, plus c'est tentant non… imaginez que j'y arrive ! et pourquoi pas ? Certains l'ont fait, certains le font.

     Pour ceux que ça tente : 

- vous pouvez envisager une vie autonome financièrement si vous avez, de côté, 25 fois le montant de vos dépenses annuelles (la fameuse loi des 4%).

- vous pouvez estimer combien d'années il vous faudrait pour devenir indépendant en fonction de votre pourcentage mensuel d'épargne. Le tableau, là, en bas. C'est 17 ans si vous mettez de côté 50% de votre salaire (impossible pour moi actuellement mais la vie n'est pas figée).

    Matière à réflexion en tous les cas...