jeudi 2 mai 2019

Hammershøi, peintre du minimalisme

   
  Il y a quelques jours, je suis allée découvrir l'exposition Hammershøi au musée Jacquemart André. Très joli musée, au passage, que vous aurez bonheur à découvrir si vous ne connaissez pas. Un ancien hôtel particulier. La grande porte cochère. Les pièces encore meublée, le petit jardin intérieur… Le lieu en lui-même mérite une visite. Mais en plus, leurs choix artistiques ! Mary Cassat l'an passé ! Hammershoi à présent ! 


     Les salles d'exposition sont petites et peu nombreuses - huit ? on découvre donc un nombre assez réduit d'oeuvres, mais représentatives de l'artiste et de ses différentes phases de création. 
     Quand je visite une exposition seule, j'ai pris l'habitude de le faire en deux étapes : une déambulation libre dans tout l'espace du musée, puis un second passage pour voir de plus près les oeuvres qui m'ont le plus touchée. En entendant discuter les gens entre eux, je mesure la chance que j'ai de le faire seule : pas de babillage, de verbiage creux. Juste l'oeuvre, là, en face. Pas de place pour les discussions de politesse. Car il faut le dire, j'ai rarement entendu des commentaires stupéfiants de subtilité. Peut-être n'en ferais-je pas plus moi-même. Autant me taire.

     Alors, c'était comment ?
     Monochrome. Assez amusant de voir à quel point sa palette est réduite, au sens technique du terme : la petite vidéo qui introduit l'expo montre, à un moment donné, la palette en bois du peintre et les restes de peinture séchée qui la recouvrent. On a toutes les nuances de gris, de blanc, de bleuté. Guère autre chose. 
      Regrettable ? oui et non. 
      Cela manque peut-être de fantaisie. Quand tu passes dans l'expo et que tu repères un tableau "en couleur", tu sais d'un oeil que c'est celui de son beau-frère, pas le sien ! pourquoi se priver des couleurs de la vie ?
     Et en même temps, c'est lui. Pas besoin de fioritures pour dire. Pas besoin d'ornement. Ses toiles sont stupéfiantes de narration alors qu'elles ne racontent aucune histoire. Une chaise, de dos, au loin, dans un rai de lumière, et on sent la chaleur du jour, on devine presque le parfum du dernier occupant ou le fumet qui parvient de la cuisine. Une femme de dos nous laisse lire davantage de sentiments par la posture de ses épaules que bien des femmes de face chez bien des peintres. Comment peut-il être si expressif sans expression ? C'est un mystère. 
      En parlant de mystère, j'ai passé un moment devant une toile représentant une étude de boulangerie. La lampe qui pendait au plafond paraissait, comment dire, véritablement éclairée. J'ai observé, changé d'angle, vérifié l'installation. Certes, les spots de la salle accentuaient le phénomène. Certes, le peintre avait usé d'une peinture d'un blanc à peine jaune contrastant à souhait. D'accord pour les astuces techniques. Mais quand même. Je le jure. Cette lampe, dans ce tableau, EST ALLUMEE ! ou donne tant l'impression de l'être que je ne m'en suis pas remise. D'ailleurs, dans le catalogue de l'exposition, je suis allée rechercher l'image et… mon sentiment subsiste. Il est fort, ce Vilhelm !

     Une citation au mur, que j'ai oubliée (en piètre reporter) parlait de lumière et de silence. Ses intérieurs dépouillés évoquent la paix. Pas le vide. Même lorsque personne n'est là, il s'agit d'un appartement. Ce lieu qui parle des habitants même en leur absence. Il n'est besoin de rien d'autre qu'une certaine lumière, sur un meuble "luisant, poli par les ans" (dirait Charles) pour créer de la chaleur, de la vie. 
     Au fond, c'est toute l'âme nordique du minimalisme qui se dessine là. Où certains voient du vide, voyons de l'espace. Où certains voient du dépouillement, voyons l'essentiel, l'humain. Et la lecture du temps, par l'angle du soleil. Le temps qui passe et les sensations qu'il procure lisibles par la taille du carré de lumière sur le mur du fond. On a tous des souvenirs anodins de ce genre, et pourtant chevillés à l'âme : le bruit des mouches qui bourdonnent dans une chambre, l'été, quand il fait trop chaud et que le volet baissé crée d'étranges reflets sur le mur d'en face. On est enfant et on s'ennuie. On s'absorbe dans ses sensations. Plus tard on se souviendra. Et un jour, on saura que dans cet ennui, on avait vécu. 

      Alors, oui. J'ai envie de davantage de couleur dans mon quotidien que ce peintre n'en montre dans ses toiles. Mais j'en absorbe le contenu comme celui d'une profonde sagesse vers laquelle il serait bon que je chemine.

1 commentaire:

  1. Je ne pourrai pas, hélas, voir cette exposition qui est trop loin de chez moi. Mais j'ai découvert ce peintre que j'aime beaucoup, vraiment.
    Bonne journée.

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