jeudi 10 septembre 2020

Frugalisme


     J'ai été tout sauf frugale ces derniers mois. La fin du confinement est allée de pair avec une frénésie d'achat que je vois mal comment justifier - une sorte de faim à satisfaire. Je n'ai pas essayé de lutter. Il me semble que cela fait en réalité partie de mon fonctionnement : des phases raisonnables, assez générales, des phases d'ascèse bien plus courtes et quelques furies de ce genre. J'ai acheté, en gros, tout ce qui me faisait envie. Au détriment de mon épargne et de l'écologie, et j'en ai conscience. Le pire ? je ne regrette même pas. J'apprécie ce que j'ai acheté. Même si ça m'arrangerait de claquer moins d'argent quand même...

     Alors ? Comment articuler ça à des valeurs de frugalité que je trouve louables ?

     Commençons par une enfance pendant laquelle je me suis sentie très limitée sur le plan matériel. Jamais, jamais je n'ai reçu un cadeau de mes parents pour mon anniversaire. A Noël, c'était un cadeau, point final. Ils ne faisaient pas cela par méchanceté, loin de là. Ils étaient nés pendant la guerre. A cette époque, et pour cette génération, il n'y avait pas de cadeau. "Une orange pour Noël", nous disait mon père. Mais j'étais en décalage avec ma génération à moi, et cela ne contribuait pas à me donner confiance en moi, car tout allait dans ce sens : très peu de vêtements, rien d'original à manger, jamais de ces petites babioles qui ne servent à rien mais ravissent les enfants. Pas de place pour la fantaisie.

     Donc, je suis très imparfaite. Et très pragmatique aussi : pas question de repousser tout le temps le plaisir d'aujourd'hui pour l'hypothétique satisfaction de plus tard. Ma mère a commencé à percevoir sa retraite à 62 ans. Elle aurait pu attendre 65 et obtenir plus d'argent chaque mois, a fait remarqué mon père. Elle a tenu bon : ce serait tout de suite, point. Bien lui en a pris : elle est morte à 62 ans, après quelques mois à toucher sa pension.
     Voilà ce qui traîne dans mon inconscient.


     En même temps, j'ai lu ce livre et il contribue à ma réflexion. Ce n'est pas nouveau. J'ai l'impression d'avoir cherché la porte de sortie le premier jour où j'ai mis les pieds au travail. Parce que j'y étais très mal, au début. Puis je l'ai apprivoisé. Il n'empêche que se sentir libre aide énormément : depuis que j'ai légalement le droit de faire moins d'heures (pour un salaire plus important !) et qu'en plus je suis à temps partiel, travailler a une part logique dans mon quotidien, sans l'effet "piscine à débordement" du plein temps d'autrefois. 
     Pour autant, j'aime l'idée de pouvoir choisir son mode de vie. Toutes les personnes qui témoignent dans cet ouvrage ont fait des choix de vie clairs pour s'offrir du temps. Amasser une petite fortune puis vivre uniquement de ses intérêts, ou diminuer drastiquement ses dépenses pour augmenter la part épargnée, ou les deux. Sachez que si vous épargnez 50% de vos revenus, dans 17 ans, vous êtes libre financièrement. Que si vous avez mis de côté 25 fois l'équivalent de vos dépenses annuelles, vous êtes libre financièrement. Ce n'est pas de l'utopie. Ce n'est pas inaccessible.
            Alors, pourquoi je ne le fais pas ? 
            On pourrait se dire que je me cherche des excuses. D'une part, j'ai trois enfants. Le parcours financier est forcément un peu impacté, et ça en vaut bien la peine. D'autre part, eh bien, si, en fait, je le fais, cet effort. A mon petit rythme. D'où l'achat il y a cinq ans de trois appartements qui sont en location en ce moment. D'où mon idée fixe d'acheter un appartement à Paris. D'où mon insistance à rembourser au plus vite le crédit de la maison, et le fait qu'on l'ait soldé il y a deux ans, soit trois ans avant la date butoir. 
     Mais ça ne suffit pas. Car pour acheter ce fameux appartement, en l'état actuel, il me faut emprunter. Et je ne peux pas le faire à cause du crédit en cours, quand bien même ces appartements sont aussi source de revenus (les banques sont très, très chatouilleuses avec leurs sous). Je n'avais aucun problème pour emprunter avec mon conjoint, qui gagne plus que moi. Maintenant que je voudrais le faire seule, ça coince. La conseillère, l'an dernier, m'avait dit qu'on pourrait me prêter maximum 62 000e.
            Ah ah ah ah ah.
            Alors, que faire ? Renoncer ? Oh que non. Arborer un sourire en coin et relever le défi. Ah oui, vous ne me faites pas confiance ? On va voir ce qu'on va voir ! je vais en épargner, moi, de l'argent, et plus je le ferai, moins je dépendrai de vous !
         J'aimerais beaucoup revenir voir la conseillère et lui dire que 60 000e me suffiraient puisque j'ai su mettre de côté TOUT LE RESTE. Mais avec un salaire mensuel de 2145,91e (c'est précis) je ne vais pas non plus faire exploser les compteurs en un claquement de doigts. Surtout que j'aime acheter des choses, aussi, parfois.
            D'où l'important de garder son objectif visible sous ses yeux. De garder sa motivation. Et d'où l'outil suivant :

                
                J'ai acheté deux pochettes de papier millimétré, pour la modique somme de 1,20e (en fait, une seule aura suffi). Chaque feuille comporte 504 cases d'un centimètre carré. Elles sont recto verso. J'ai formé un carnet avec suffisamment de pages pour fournir l'équivalent d'un mètre carré. Un vrai mètre carré. En sachant que je pars sur l'idée d'achat d'un 20m2 pour le prix de 300 000e (oui je vise large, qui peut le plus...). J'ai calculé : ça nous met le prix du mètre carré à 15 000e, et du centimètre carré à 1,5e. C'est tout ! moins cher qu'un café ! voilà qui va me faire réfléchir à mes dépenses. Mais il faut multiplier chaque case par 20 puisque je veux 20m2. 
            La procédure est simple : à chaque fois que j'ajouterai 30e sur mon PEL, je pourrai noircir une case. Je vais voir grandir peu à peu mon épargne, mais surtout, matériellement, la surface à laquelle je peux prétendre. OUI, ça peut sembler enfantin. Mais j'ai besoin d'avoir conscience du but ultime et de le garder en vue tout le temps. Je pense que ça peut marcher, me connaissant... Dans tous les cas ça m'aidera à avancer plus loin.

                Et j'aurai hâte, deux fois par mois, de faire un virement sur mon PEL, du plus haut multiple de 30 possible !
 

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