jeudi 8 avril 2021

Automatique

Les petites voix par Lauret


    Je lis en ce moment - entre autres choses - un livre sur l'intuition.

    Jetons un voile pudique sur le fait que

1) les confinements ont fait grimper mon stock de livres (surtout, ne pas manquer) et le font atteindre une bonne trentaine de volumes en attente, contre dix d'habitude

2) j'en emprunte toujours autant en bibliothèque, même davantage (car elles en prêtent plus à chaque usager), ce qui ne fait pas chuter ma pile à lire

3) la flemme me rend plus facile d'acheter immédiatement un livre qui m'intéresse au lieu de noter son titre pour me le procurer un jour, et puis, hein, il faut soutenir les auteurs, non ?

4) j'ai acheté l'autre jour Les Belles Images, de Simone de Beauvoir, chez ma libraire du coin, sauf qu'il dormait dans le carton de stock depuis un mois (j'avais eu l'intention de l'acheter, l'avais-je fait ? En fait, oui. C'est là où tu comprends que tu dois reprendre les rênes)

5) j'écoute un livre en voiture (mais je ne conduis plus guère ces jours-ci) et un autre quand je marche

     Bref. En ce moment, donc, je lis ce témoignage / étude / réflexion de Christelle Lauret. Intéressant. Car on méprise l'intuition sous prétexte qu'elle n'est pas rationnelle mais ne répondrait-elle pas à un fonctionnement logique de notre être, de notre cerveau, dont on ne maîtrise pas les règles ? 

    Tout comme l'énergie électrique a dû sembler brutale, arbitraire, incontrôlable tant qu'on ne savait pas sur quoi elle reposait, j'imagine.

     Dans le passage que je lisais à l'instant, elle parle de l'effet d'amorçage (p.236). Qui me parle car je l'ai déjà constaté. Si tu t'installes sur une chaise ferme et non un fauteuil mou, tu es plus à l'aise pour une négociation ardue. Toute la méthode Flylady, exposée par Martha Cilley dans Sink Réflexions (une méthode pour reprendre en main sa maison, son ménage) repose sur l'idée qu'il faut de petits conditionnements positifs, parmi lesquels : "Each morning, dress to lace up shoes" - habillez-vous et enfilez de vraies chaussures. On ne télétravaille pas de la même façon en jogging mou et en tailleur veston. La différence doit s'entendre au téléphone d'ailleurs (m'en fiche, je téléphone pas, alors je corrige mes copies sous la couette - mais j'ai besoin du bureau rectiligne pour taper des cours et communiquer avec les élèves). Gretchen Rubin dit dans Opération Bonheur que quand elle se sent fatiguée, elle agit comme si elle était pleine d'énergie pendant quelques minutes, et la fatigue passe. De même, si je me sens vraiment mal au début d'un cours (ça peut arriver), le meilleur remède est de faire comme si de rien n'était : au contraire, s'agiter, être réactive, s'immerger dans l'activité met de côté la fatigue / le mal de ventre / l'angoisse ou tout autre empêcheur de tourner en rond.

        Est-ce magique, stupide, trop facile ?

       Non. Ce phénomène repose sur des fonctionnements corps-esprit qui ont été encore peu étudiés, mal décryptés par la science, ce qui nous autorise à les mépriser, et ce qui est bien dommage car nous les avons déjà tous expérimentés. Qui n'a pas sa chanson remonte-moral, son odeur qui réconforte ? Alors ?

Hier, j'ai senti ce parfum. C'est une de mes "missions" d'avril : humer et analyser chaque jour un nouveau parfum (qui a dit qu'il fallait se coller des missions désagréables ?). J'ai à disposition un lot d'échantillons commandés sur la boutique Jovoy. Même pas peur du confinement. 

           C'est une merveille. 

           N'en disons pas plus. Juste, une merveille. 

           (et comme chacun sait, en ce domaine, la merveille des uns sera le déchet des autres, mais tout de même, il mérite d'être au moins senti).

            J'avais lu la pyramide olfactive. Savais que j'y croiserais de la myrtille et du maté. Je pense que ce sont ces notes qui m'ont joué un tour : le mélange des deux faisait surgir à mon esprit, dès que j'approchais mon nez du poignet, l'image d'une tige de rhubarbe vieillissante, recroquevillée sous un soleil de plomb. 

             Je suis quasi certaine qu'il n'y a pas de rhubarbe dans ce parfum. D'ailleurs, je reconnais nettement la note de maté (ça me donne envie d'en boire à nouveau) et je sens sa proximité végétale avec de la vieille feuille séchée encore sur pied. Bref : mon cerveau identifie les deux notes séparément mais mon esprit en fait surgir une autre réalité.

        Est-ce que tout est à l'avenant ? Est-ce que nous passons notre existence à voir des évidences qui sont des miroirs déformants ? Cette personne qui nous a toujours paru froide et un peu désagréable, ignorons-nous juste qu'elle est rongée par une maladie chronique douloureuse, ce qui lui donne l'air acariâtre ? Allons-nous voir au-delà ? Ou tirons-nous des conclusions rapides ?

            Savons-nous sortir des préjugés quand ils s'imposent à nous aussi spontanément qu'une tige de rhubarbe dans une senteur qui n'en contient pas ?

4 commentaires:

  1. Ecrire quelque chose de dur sur un canapé mou, c'est un bon équilibre alors, non ? ;)

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    1. C'est même une indispensable compensation ! Mais je dois reconnaître que j'ai fini plus vite mes copies une fois installée sur une table. ..

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  2. L’intuition, la petite voix intérieure, que de fois par manque de confiance en moi , je n’en ai pas tenu compte, alors que j’avais «  vu » juste. J’essaie désormais d’être plus attentive à cette petite voix intérieure, à une intuition. Belle journée à vous. MartineL

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    1. C'est parfois délicat face à autrui, surtout, d'expliquer pourquoi on sent ou pas quelque chose. Mais souvent suivre notre intuition ne concerne que nous. ..alors écoutons-la !

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